Plusgrave: son absence de vision de la France et de l'horizon où la conduire. Chirac, une ambition sans boussole. Un brave gars devenu
CINQ ANS, réalisé par Raphaëlle Baillot et Jérôme Bermyn — France 5 / Bangumi, 2022 135’ Robert Badinter, l’abolitionniste, réalisé par Romain Icard — France 2 / TohuBohu, 2021 90’, prime La Chute de la maison Balkany – C’était écrit, réal. Félix Seger — France 5 / Caméra Subjective, 2021 90’ François Mitterrand et Anne Pingeot – Fragments d’une passion amoureuse, réal. par Hugues Nancy — France 5 / Yami2, 2021 90’ Charlie, le journal qui ne voulait pas mourir, réal. Hugues Nancy — France 5 / Productions, 2021 Désobéissants ! réal. d’Alizée Chiappini et Adèle Flaux — Arte / Yami2, 2020 75’ Suzanne, Irène, Cécile, les ministres de Blum, réal. Maud Guillaumin — France 3 / MarmitaFilms, 2020 52’ sélection Festival international du film d’histoire de Pessac La Révolution française, comme si vous y étiez ! réal. Hugues Nancy et Jacques Malaterre — France 2 / Nilaya Productions, 2020 2×52’ De Gaulle bâtisseur, réal. Camille Juza — France 3 / Point du Jour, 2020 90’, prime time. La Face noire du business vert, réal. Guillaume Pitron et Jean-Louis Pérez — Arte / Grand Angle Productions, 2020 90’ La Bataille de Notre-Dame, réal. Emilie Lançon — TF1 / Particules Productions, 2019 52’. Ennemis d’Etat – Dans l’oeil des RG, réal. Olivier Toscer et Damien Vercaemer — France 5 / Grand Angle Productions 3 x 52’ Marcel Marceau – Le pouvoir du silence “Macht der Stille”, réal. Maurizius Staerkle Drux / Beauvoir Films, Genève, 2020 Neuf femmes aux marches du Palais, réal. Elisabeth Kapnist — France 5 / Nilaya Productions, 2019 70’ Meilleurs ennemis, réal. Félix Séger et Benjamin Carle — Canal + / L’infinie Comédie, 2019 52’ La Malédiction de la Vologne, réal. Pierre Hurel — France 3 / Elephant Doc, 2018 180’ Emmanuel Macron le dynamiteur, réal. David Doukhan — LCI / Particules Productions, 2018 52’. Un jour / une histoire Les Présidents et les médias, réal. Agnès Hubschmann — France 2 / Magneto Presse, 2016 120’ Marine Le Pen – C’était écrit, réal. Yannick Adam de Villiers — France 5 / Caméra Subjective, 2018 90’ François Fillon – C’était écrit, réal. Félix Seger — France 5 / Caméra Subjective, 2017 90’ Benoit Hamon, réal. Hugues Nancy — France 3 / Nilaya Productions, 2018 52’ Simone Veil, Albums de famille, réal. Hugues Nancy — France 3 / Nilaya Productions, 2017 110’ Comment gagner une élection présidentielle vol. 1 être candidat, réal. Félix Seger — Planète + / Caméra Subjective, 2017 52’ La Solitude du pouvoir, réal. Jean-Michel Djian — France 3 / Nilaya Productions, 2017 2 x 52’ Un jour / une histoire Les Enfants terribles de la Gauche, réal. Dominique Fargues — France 2 / Magneto Presse, 2016 120’ Emmanuel Macron, la stratégie du météore, réal. Pierre Hurel — France 3 / Elephant & Cie, 2016 90’ Les 150 ans du Printemps, réal. Barbara Necek — RMC découvertes / Pernel Media 52’ Duel Martine Aubry – Ségolène Royal, réal. Maud Guillaumin — France 5 / Elephant & Cie 52’ Du côté des vivants – Charlie Hebdo, réal. David André — France 2 / Brother Films, 2015 52’ Revolvers Vincent Lindon réal. Thierry Demaizière et Alban Teurlai — Coll° Empreintes, France 5 — Falabracks, 2015 52’ Le Sexisme en politique, réal. Stéphanie Kaim — France 5 / Elephant Doc, 201 Duel Leclerc-Fournier l’hyperduel, réal. Philippe Allante — France 5 / Nilaya, 2014 52’ Duel Giscard-Chirac incompatibles, réal. Pierre Hurel — France 5 / Elephant, 2014 52’ Paris 2014 – les Municipales, réal. Nicolas Glimois — Canal + / BrotherFilms, 2014 90′,prime time Dans l’œil du corbeau, réal. Pierre Chassagnieux — Planète + / Nilaya Production, 2014 52’ Le Clan Chirac une famille au coeur du pouvoir, réal. Pierre Hurel — France 3 / Elephant & Cie, 2013 90’ prime time Recherches additionnelles Un jour / une histoire Les Ambitieux vol I et II, François Hollande et Nicolas Sarkozy, réal. Dominique Fargues — France 2 / Magneto Presse, 2013-2014 Un jour / un destin Bernadette Chirac, Françoise Sagan, Joe Dassin, Jean Marie-France Pisier, Françoise Giroud, Rachida Dati, Jean Ferrat, Bernard Blier / Magneto Presse, 2012-2017 8 x 90’ Claude et Georges Pompidou l’amour au coeur du pouvoir, réal. Pierre Hurel — France 3 / Eléphant & Cie, 2011 90’ prime time Jack Lang, réal. David André — Coll° Empreintes / France 5 — Eléphant & Cie, 2010 52’ Robert Luchini, dit Fabrice, réal. Thierry Demaizière et Alban Teurlai — Coll° Empreintes / France 5 — Eléphant & Cie, 2009 52’ Thuram, réal. Thierry Demaizière et Alban Teurlai / Canal + — Eléphant & Cie, 2009 80′ Recherche sur la colonisation, les grands figures de la cause noire, le racisme / Négociation FIFA, UEFA, Sportfive… Chanel Paris-Moscou, fiction réalisée par Karl Lagerfeld et Alban Teurlai / Same P 12’ Karl Lagerfeld, un roi seul, réal. Thierry Demaizière et Alban Teurlai — Coll° Empreintes / France 5 — Eléphant & Cie, 2008 52’ GeorgesPompidou de parents enseignants (1911-1974) né dans le Cantal forme avec Claude (1912-2007) née en Mayenne de parents médecins le De Gaulle. Ce nom s’impose, en plus des références mémorielles Appel du 18 juin petite erreur récurrente !, compte rond des anniversaires de naissance et de mort 1890-1970 et anniversaire de la bataille de France 1940 font de 2020 l’année de Gaulle ». Premier hommage médiatique du président Macron au grand aîné, en mai dernier, et d’autres suivent. S’approprier l’héritage du général, ça ne peut pas faire de mal… Si les discours sont suivis d’actions règle sans exception et l’une des particularités de ses deux vies » politiques. De Gaulle reste notre dernier personnage historique. Il sort de scène en 1969 et se retire pour achever ses Mémoires. Un an après, la France est veuve » selon le mot de son successeur, le président Pompidou. L’Histoire en citations perd un auteur et acteur majeur du récit national sur le podium, après Napoléon et devant Victor Hugo. La Cinquième République aura d’autres hommes politiques avec des idées pour la France et beaucoup de politiciens faisant carrière, mais plus de premier grand rôle propre aux époques épiques dernière guerre mondiale, puis guerre civile d’Algérie. Ce genre de périodes, certes dures à vivre pour les contemporains Révolution, Empire, toutes les guerres, engendre des personnages hors norme. De Gaulle se révèle tardivement, à 50 ans surdoué du Verbe discours, écrits et de l’Action. En 1940, il faut sauver la France en péril. Mission plus que difficile, mais impossible n’est pas français » Napoléon. En 1958, la guerre d’Algérie est l’occasion d’un come-back historique plus réussi que les Cent-Jours napoléoniens !. De Gaulle incarne certes l’ancien monde » et ses valeurs. Ce n’est pas un homme moderne », il ne sacrifie jamais à la mode de son temps et la chienlit » de Mai 68, mal comprise d’un président vieillissant, lui sera fatale l’année suivante. Malgré tout, c’est le seul personnage de l’histoire qui peut nous servir aujourd’hui de référence par sa Résistance, son courage physique et moral, ses vues souvent prophétiques, ses ambitions nationales jamais personnelles, son honnêteté absolue, sa rigueur extrême. Quant à son humour présidentiel toujours en situation, redécouvrez-le !Nous dédions à de Gaulle, successivement général en guerre et président au pouvoir, une mini-série en deux éditos. La chronologie s’impose en bonne logique historique. Toutes les citations de cet édito sont à retrouver dans nos Chroniques de l’Histoire en citations en 10 volumes, l’histoire de France de la Gaule à nos jours vous est contée, en 3 500 citations numérotées, sourcées, contextualisée, signées par près de 1 200 auteurs. II. Le président au pouvoir. Prologue Le général redevient l’éphémère président du GPRF en sursis. On entendait abattre ce que l’on appelait l’esprit bourgeois, la puissance de l’argent, les grands seigneurs de l’économie », et pour cela on aurait besoin d’une économie dirigée, reniant le libéralisme traditionnel, désormais relégué à droite. »2847 Charte du Conseil national de la Résistance mars 1944. La Vie politique en France depuis 1940 1979, Jacques Chapsal, Alain Lancelot Le CNR Conseil national de la Résistance créé par Jean Moulin formulait déjà les principales options et directions politiques de la Quatrième République, notamment dans les domaines économique nationalisation des grands moyens de production et des banques, planification et social Sécurité sociale, congés payés, conditions de travail. Après la Libération, le CNR laisse la place au GPRF Gouvernement provisoire de la République française créé par le général de Gaulle, le 23 octobre 1944. Le travail législatif continue et aujourd’hui encore, on se réfère à tout ce que nous lui devons ! C’est déjà en homme d’État que le général imaginait la France à venir. On retrouve cette même vision prophétique chez les Révolutionnaires de 1789 en pleine guerre civile et étrangère, ou avec Napoléon sous le Consulat et l’Empire, remarquable législateur Code civil, Concordat et autres institutions nationales. En 1944, les Français étaient malheureux, maintenant ils sont mécontents. C’est un progrès. »2858 Charles de GAULLE 1890-1970, de nouveau chef du gouvernement provisoire depuis le 21 octobre 1945. De Gaulle, l’exil intérieur 2001, Jacques Baumel La France est libre, les nationalisations ont commencé, la Sécurité sociale est créée par ordonnance, mais les conditions de vie des Français restent très dures pain rationné et cartes d’alimentation pour la plupart des produits, charbon rare et production désorganisée. Je ne croyais pas pouvoir leur [les communistes] confier aucun des trois leviers qui commandent la politique étrangère, savoir la diplomatie qui l’exprime, l’armée qui la soutient, la police qui la couvre. »2860 Charles de GAULLE 1890-1970. De Gaulle, volume II 1990, Jean Lacouture De Gaulle a été porté pour la seconde fois à la présidence du GPRF par l’unanimité des 565 députés élus le 21 octobre communistes, MRP et socialistes sont les grands gagnants, radicaux et modérés, les perdants. Lors de la constitution de son gouvernement, de Gaulle ne donne aux communistes aucun des trois ministères clés qu’ils réclament, mais il leur confie d’importants ministères économiques et sociaux – et la Fonction publique à Maurice Thorez, toujours secrétaire du PCF de 1930 à 1964. Rappelons que dans la Résistance, les communistes habitués à la discipline ont été de remarquables organisateurs et combattants. C’est après que les relations avec eux vont se révéler impossibles ». Chacun, quelle que fût sa tendance, avait, au fond, le sentiment que le Général emportait avec lui quelque chose de primordial, de permanent, de nécessaire, qu’il incarnait de par l’Histoire, et que le régime des partis ne pouvait pas représenter. »2862 Charles de GAULLE 1890-1970, Mémoires de guerre, tome III, Le Salut, 1944-1946 1959 20 janvier 1946 le président du GPRF démissionne brutalement, après trois mois au pouvoir. Le motif son désaccord avec le Parti communiste sur l’élaboration de la Constitution de la Quatrième République. Plus fondamentalement, il incrimine déjà le système des partis. Commentant son départ, il fait appel à la raison pour prendre un souverain recul face à l’événement. Dans le tumulte des hommes et des événements, la solitude était ma tentation. Maintenant, elle est mon amie. De quelle autre se contenter, quand on a rencontré l’Histoire ? »2863 Charles de GAULLE 1890-1970, Mémoires de guerre, tome III, Le Salut, 1944-1946 1959 C’est le sentiment qui parle ». 20 janvier 1946. De Gaulle se retire de la scène politique et sera absent de l’histoire pour une longue traversée du désert et une relative solitude. En fait, ce n’est qu’un au revoir au pouvoir et une fausse sortie. Quatrième République traversée du désert de douze ans pour de Gaulle, privé de tout pouvoir politique et paradoxalement très présent. La France a gagné la bataille de la natalité en 1946, sans y gagner celle de la jeunesse et de la vie. »2849 Alfred SAUVY 1898-1990. L’Économie et la société française depuis 1945 1981, Maurice Parodi Dès 1945, de Gaulle, paternel et patriote, souhaite douze millions de beaux bébés ». Vœu très exactement exaucé, fin 1958. C’est le fameux baby-boom. Le pays bénéficie de ce renouveau démographique qui a sa pointe au début des années 1950. La montée des jeunes a des effets positifs sur l’économie, augmentant la demande de logements, équipements, alimentation, vêtements, éducation, santé, loisirs. Mais des blocages demeurent, dans la société inégalités et exclusion sociale dans une France vivant trop volontiers à l’heure de son clocher. Le débat sur la France moderne, amorcé en 1953 et 1954, n’a pas eu de traduction parlementaire le régime semble incapable d’assumer la nouveauté dont il a facilité l’émergence » Jean-Pierre Rioux, La France de la Quatrième République. Aujourd’hui, la France n’a plus qu’une seule ambition celle de son niveau de vie. »2851 Charles de GAULLE 1890-1970. Tout est bien 1989, Roger Stéphane Jusqu’à une date récente, elle était constamment tendue vers la réalisation d’ambitions nationales. Elle a eu l’ambition de son unité, l’ambition de ses frontières naturelles, puis l’ambition de conquérir l’Europe, la volonté de se libérer de ses traités de 1815 et après 70, il y a eu l’idée, la grande idée de la revanche, depuis plus rien. » Il ne faut pourtant pas mépriser la grande amélioration des conditions matérielles de vie le taux de croissance annuel moyen de 5 % dans les années 1950-1960 étonne aujourd’hui encore. C’est à mettre à l’actif de la Quatrième République, situant la France avant les USA et la Grande-Bretagne, mais derrière l’Allemagne et le Japon, pays des miracles économiques succédant à leur défaite. Les néophytes de la révolution […] ont exigé des nationalisations immédiates. Les nouveaux dieux ont soif. »2861 Joseph LANIEL 1889-1975, Assemblée nationale constituante, 2 décembre 1945. Annales, Débats 1946, Assemblée nationale Les nationalisations font toujours débat en politique, quand la gauche se retrouve au pouvoir, ce qui est le cas en 1945. Député du centre-droit, Laniel s’oppose à cette politique Personne ne sait où elle conduit. » À l’ordre du jour, la nationalisation du crédit, mais bien d’autres secteurs sont concernés charbonnages, électricité et gaz, usine Renault et aéronautique, transports maritimes et aériens, vague des nationalisations en 1945-1946, comme hier en 1936 et demain en 1981-1982, revêt une importance mythique autant que pratique. Pour de Gaulle, la raison principale de cette grande réforme de structure est de mettre un instrument décisif entre les mains de la Nation ». Il y a aussi une volonté de revanche sur les puissances d’argent. De Gaulle ne manquera pas de rappeler au patronat désorganisé son absence à Londres et dans la Résistance. Dans cette conjoncture économique et politique, la droite minoritaire et pas très fière ne peut pas vraiment s’opposer aux nationalisations voulues par de Gaulle et la gauche. Un tiers des Français s’étaient résignés [à la Constitution], un tiers l’avaient repoussée, un tiers l’avaient ignorée. »2864 Charles de GAULLE 1890-1970. Vie politique sous la Cinquième République 1981, Jacques Chapsal Il juge avec ironie la Constitution de 1946. Premier projet, rejeté par référendum du 5 mai, second projet accepté par référendum du 13 octobre 1946. En fait, la Libération a raté sa Constitution compliquée, instituant des organes nouveaux à qui elle ne donne pas leurs chances, et ne supprimant aucune des institutions du précédent régime, elle permet certes à la France de reprendre une vie parlementaire normale, mais elle prolonge la Troisième République avec tous ses défauts, alors qu’il lui faut affronter des problèmes nouveaux. L’Assemblée nationale, élue le 10 novembre, donne au PC la place du premier parti de France plus de 28 % des suffrages exprimés. Viennent ensuite le MRP 26 %, le Parti Socialiste SFIO en perte de vitesse, moins de 18 %, modérés et radicaux regroupant 25 % des suffrages… et l’Union gaulliste, moins de 3 %. Le choix est simple modernisation ou décadence. »2865 Jean MONNET 1888-1980, Mémoires 1976 Il reste l’un des Pères de l’Europe et le promoteur du premier plan français, dit de modernisation et d’équipement, lancé le 27 novembre 1946. Après la guerre, les priorités économiques s’imposent reconstruire le pays, moderniser l’outil de production. Le plan est la solution rationnelle – de Gaulle, revenu au pouvoir sous la Cinquième, dira que les objectifs à déterminer par le Plan revêtent pour tous les Français un caractère d’ardente obligation ». La planification à la française n’est pas dirigiste, se voulant surtout incitative, après concertation. Près d’un millier d’acteurs économiques sont consultés pendant un an patrons, syndicalistes, fonctionnaires, de sorte que le plan est bien accepté, en 1947. Il bénéficie également du plan Marshall, initiative américaine, au niveau européen. Le jour va venir où, rejetant les jeux stériles et réformant le cadre mal bâti où s’égare la nation et se disqualifie l’État, la masse immense des Français se rassemblera sur la France. »2867 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours de Bruneval, 30 mars 1947. Discours et messages dans l’attente, février 1946-avril 1958 1970, Charles de Gaulle À l’occasion d’une cérémonie commémorative de la Résistance, devant une foule de 50 000 personnes et des officiels du régime, la grande voix s’élève à nouveau. Ramadier, premier président du Conseil de la Quatrième République, s’empresse de déclarer Il n’y a point de sauveur suprême, ni César ni tribun. » Le RPF, c’est le métro à 6 heures du soir. »2868 André MALRAUX 1901-1976, délégué à la propagande du RPF. Malraux une vie dans le siècle, 1901-1976 1976, Jean Lacouture Le Rassemblement du peuple français est créé officiellement le 14 avril 1947 par de Gaulle. Le général ne veut plus attendre et risquer qu’on l’oublie, cependant que le contexte international fait craindre une troisième guerre mondiale ! Il va donc rassembler autour de son nom des hommes d’origine sociale et de tendance politique très diverses Anciens des réseaux et de Londres, […] vaste clientèle à ponctionner sur le MRP, le centre et la droite […] des ouvriers et des petites gens déçus […] en passant par les héros et les fidèles, les compagnons » seront légion », affirme Malraux. Le RPF triomphe aux prochaines élections municipales d’octobre 1947. L’avenir sera décevant. Les États-Unis d’Europe se feront dans la douleur, et les États-Unis du monde ne sont pas encore là. »2874 André MALRAUX 1901-1976, Appel aux intellectuels, 5 mars 1948 à la salle Pleyel. André Malraux 1952, Pierre de Boisdeffre Les rêves du XIXe siècle, ceux de Michelet, Hugo, Jaurès et autres apôtres des États-Unis du monde », sont révolus selon Malraux Pour le meilleur comme pour le pire, nous sommes liés à la patrie. » Il défend la notion d’héritage culturel, au nom de quoi la France doit retrouver son rôle en Europe. C’est aussi de Gaulle qui parle par sa voix. Mais l’appel n’est pas entendu. Autre tentative vaine le Rassemblement du peuple français RPF créé l’an dernier par de Gaulle. Sous la houlette de Malraux, il rassemble des hommes d’origine sociale et de tendance politique très diverses. Mais l’heure du retour n’est pas encore venue pour le général. Malraux, inaccessible à la tentation des honneurs politiques, seul des écrivains de grand renom à s’associer aussi étroitement au gaullisme, reste le plus fidèle des compagnons, durant la traversée du désert ». La politique, ce n’est pas de résoudre les problèmes, mais de faire taire ceux qui les posent. »2875 Henri QUEUILLE 1884-1970, nouveau président du Conseil, septembre 1948. Évaluation et démocratie participative 2004, Jean-Claude Boval La formule lui est prêtée, reflétant une tendance très Quatrième République que de Gaulle doit détester ! Venu de la Troisième, ministre près de vingt fois avant 1940, Queuille a pour méthode de contourner les difficultés. C’est le docteur tant mieux, le président pas de problème », selon Jacques Fauvet, journaliste du Monde. C’est de l’immobilisme », dit Pleven qui, devenu président du Conseil, agira de même. Le premier cabinet Queuille 11 septembre 1948-5 octobre 1949 doit faire face à des grèves très dures et procéder à une dévaluation du franc. Après avoir tenu treize mois, presque un record, il tombe, sa majorité étant trop composite. Il reviendra deux fois On prend les mêmes et on recommence. » Le régime des partis voit s’affronter ceux de gauche communistes, socialistes SFIO contre ceux de droite indépendants et modérés inorganisés, RPF gaulliste, et les centristes MRP, radicaux, UDSR issue de la Résistance qui tentent toujours de former une Troisième Force avec divers ralliés, lesquels monnaient leur concours plus ou moins provisoire. Cependant que de Gaulle s’exaspère Le régime des partis, c’est la pagaille. » La pagaille et/ou l’impuissance. Cela va durer encore dix ans. Jamais la marge n’a été aussi étroite entre l’abandon et le salut. Jamais l’abîme n’a côtoyé de plus près le chemin du redressement. »2880 Antoine PINAY 1891-1994, Discours d’investiture, Assemblée Nationale, 6 mars 1952. Histoire de la IVe République la République des contradictions, 1951-1954 1968, Georgette Elgey Langage gaullien, sinon gaulliste ! De Gaulle en fera son ministre des Finances en 1958. Pinay obtient l’investiture de justesse 324 voix contre 206 et 89 abstentions c’est le retour aux responsabilités politiques de la droite, écartée du pouvoir depuis la Libération. Mais le nouveau président du Conseil refuse toute étiquette, prend le portefeuille des Finances dont personne ne voulait et présente son programme de redressement économique et financier maîtrise de l’inflation et défense du franc, échelle mobile des salaires qui rassure les syndicats, avec réduction des dépenses de l’État et emprunt du Pinay. Pari réussi – aidé il est vrai par une baisse mondiale des prix. Sans moi, que seriez-vous ?— Sans vous, je serais ministre. »2882 Edmond BARRACHIN 1900-1975, député RPF, au général de Gaulle 1890-1970, juillet 1952. Recueil des textes authentiques des programmes et engagements électoraux des députés proclamés élus à la suite des élections générales 1956, Assemble nationale, Secrétariat général Le parti du général fait long feu. Le Rassemblement se disperse. De Gaulle reproche à ses troupes de pactiser avec l’ennemi, en l’occurrence le système de la Quatrième République, notamment sous le gouvernement Pinay. L’état-major durcit sa position, les dissidences se multiplient. On peut camper sur une position en attendant la soupe, mais on ne peut remporter la victoire sans combattre. Ceux qui ne voulaient pas combattre sont allés à la soupe. »2883 Charles de GAULLE 1890-1970, Déclaration d’octobre 1952. La Vie politique en France de 1940 à 1958 1984, Jacques Chapsal Le général fustige en termes militaires l’intégration progressive des députés RPF au système. Le 6 mai 1953, après un grave échec aux municipales, de Gaulle dresse un bilan désabusé de son action et signe la fin du Rassemblement agissant en son nom Au Parlement, il [le RPF] ne saurait non plus prendre part, en corps et ès qualités, à la série des combinaisons, marchandages, vote de confiance, investitures, qui sont les jeux, les poisons et les délices du système. » Gouverner, c’est choisir. »2885 Pierre MENDÈS FRANCE 1907-1982, Discours à l’Assemble nationale, 3 juin 1953. Gouverner, c’est choisir 1958, Pierre Mendès France La cause fondamentale des maux qui accablent le pays, c’est la multiplicité et le poids des tâches qu’il entend assumer à la fois reconstruction, modernisation et équipement, développement des pays d’outre-mer, amélioration du niveau de vie et réformes sociales, exportations, guerre en Indochine, grande et puissante armée en Europe, etc. Or, l’événement a confirmé ce que la réflexion permettait de prévoir on ne peut pas tout faire à la fois. Gouverner, c’est choisir, si difficiles que soient les choix. » Cette formule gaullienne, sinon gaulliste, empruntée involontairement ? au duc Gaston de Lévis Maximes politiques, 1808, accompagne désormais l’homme politique qui sera bientôt au pouvoir. Quelques jours plus tôt, dans le premier numéro de L’Express 16 mai 1953, Mendès France écrit À prétendre tout faire, nous n’avons réussi qu’à détériorer notre monnaie, sans satisfaire aucun de nos objectifs […] Ce n’est pas sur des conférences diplomatiques, mais sur la vigueur économique que l’on fait une grande nation. » Quelques mois plus tard, devant la déroute française dans la guerre d’Indochine, il ajoutera Nous sommes en 1788 », cependant que Paul Reynaud voit en la France l’homme malade de l’Europe ». En ce jour anniversaire qui est aussi celui où j’assume de si lourdes responsabilités, je revis les hautes leçons de patriotisme et de dévouement au bien public que votre confiance m’a permis de recevoir de vous. »2891 Pierre MENDÈS FRANCE 1907-1982, Télégramme au général de Gaulle, 18 juin 1954. Mendès France au pouvoir 1965, Pierre Rouanet Son premier jour au pouvoir coïncide avec celui de l’Appel, il y a quatorze ans. Mendès France avoue alors avoir trois grands hommes comme modèle Poincaré, Blum et de Gaulle. Le troisième homme est sceptique sur les chances du nouveau chef du gouvernement Vous verrez, ils ne vous laisseront pas aller jusqu’au bout », lui dira-t-il le 13 octobre. Sept mois et dix-sept jours le titre donné par Mendès France au recueil de ses discours dit très exactement la durée de son ministère, renversé le 5 février 1955. Les hommes passent, les nécessités nationales demeurent. »2896 Pierre MENDÈS FRANCE 1907-1982, Assemblée Nationale, nuit du 4 au 5 février 1955. Pierre Mendès France 1981, Jean Lacouture L’Assemblée vient de lui refuser la confiance 319 voix contre 273 par peur d’une politique d’ aventure » en Afrique du Nord. On l’accuse, dans son discours de Carthage, d’avoir encouragé la rébellion des Tunisiens et des fellagas d’Algérie, alors qu’il est partisan déclaré de l’Algérie française dont il a renforcé la défense. Contrairement aux usages et sous les protestations, il remonte à la tribune pour justifier son action. Mendès France est resté populaire dans le pays, mais de nombreux parlementaires déplorent ses positions cassantes, aux antipodes des compromis et compromissions de la Quatrième République. Le syndicat » des anciens présidents du Conseil et anciens ministres lui reproche de ne pas jouer le jeu politicien et de semer le trouble dans l’hémicycle et ses coulisses. De Gaulle l’avait prédit Ils ne vous laisseront pas faire ! » Et Mendès France, pour la dernière fois à la tribune, défie les députés Ce qui a été fait pendant ces sept ou huit mois, ce qui a été mis en marche dans ce pays ne s’arrêtera pas… » Ils n’osent écrire qu’une police qui torture, si blâmable qu’elle soit, c’est une police qui fait son métier, une police sur laquelle on peut compter. »2909 François MAURIAC 1885-1970, Bloc-notes, I, 1952-1957 Ils ne l’écrivent pas noir sur blanc, mais cela court entre les lignes… » En 1952, Mauriac, écrivain catholique, reçoit le prix Nobel de littérature pour la profonde imprégnation spirituelle et l’intensité artistique avec laquelle ses romans ont pénétré le drame de la vie humaine ». Il n’a pas pris position dans la guerre d’Indochine, mais il s’engage désormais en faveur de l’indépendance du Maroc, puis de l’Algérie, et condamne l’usage de la torture par l’armée française. Dans une méditation douloureuse et brûlante intitulée Imitation des bourreaux de Jésus-Christ, il dénonce l’État tortionnaire, et non plus seulement l’État policier, lors de l’allocution de clôture de la Semaine des intellectuels catholiques, à Florence, en novembre 1954. Il s’investit de plus en plus dans le drame algérien, qu’il commentera jusqu’en 1958. Il est alors convaincu que seul de Gaulle peut dénouer la situation. Le cadavre bafouille. »2918 Hubert Beuve-MÉRY 1902-1989 citant Maurice Barrès 1862-1923. Le Suicide de la Quatrième République 1958, Hubert Beuve-Méry La France vit à l’heure algérienne. Le pouvoir, donc le régime, est dans une situation sans issue aucune majorité stable possible, ni à gauche, ni au centre, ni à droite, face au drame national. La guerre divise les Français et les consciences – même si on la nomme lutte contre la rébellion ». À Paris, on parle de bons offices » anglo-américains en vue de la paix. Félix Gaillard tombe, Pflimlin arrive, Alger craint d’être lâchée. L’armée française, d’une façon unanime, sentirait comme un outrage l’abandon de ce patrimoine national [l’Algérie]. On ne saurait préjuger sa réaction de désespoir. »2919 Général SALAN 1899-1984, commandant supérieur en Algérie, Télégramme au général Ély, chef d’état-major général, 9 mai 1958. Le Siècle dernier 1918-2002 2003, René Rémond L’armée en Algérie est troublée par le sentiment de sa responsabilité à l’égard des hommes qui combattent […] à l’égard de la population française de l’intérieur qui se sent abandonnée. […] Je vous demande de vouloir bien appeler l’attention du président de la République sur notre angoisse, que seul un gouvernement fermement décidé à maintenir notre drapeau en Algérie peut effacer. » L’Armée au pouvoir ! Tous au GG ! »2920 Cris de la foule, Alger, manifestation du 13 mai 1958. L’Appel au père de Clemenceau à de Gaulle 1992, Jean-Pierre Guichard Le GG, c’est le palais du gouverneur général, devenu, depuis 1956, celui du ministre résident. Il est le symbole du pouvoir et, en tant que tel, pris d’assaut, pillé. Un Comité de salut public se constitue, mêlant Français et musulmans, civils et militaires, en une coalition très hétéroclite, présidée par le général Massu c’est le putsch d’Alger, ou coup d’État du 13 mai. Deux pouvoirs s’instaurent le pouvoir légal à Paris et le pouvoir militaire à Alger. Un troisième, le pouvoir moral, celui du général de Gaulle, est encore à Colombey. »2921 Jacques FAUVET 1914-2002, La Quatrième République 1959 De Gaulle, retiré de la scène politique après la guerre, très hostile au régime des partis de la Quatrième, se tient en réserve de la République et sent son heure enfin revenue oui, la France a besoin de lui ! On imagine comme ce grand communicateur a dû peser chaque mot de son premier communiqué à la presse. Chronique 1958-1969 1. Come-back du sauveur de la nation le contexte de guerre civile impose en dernier recours le retour du Général, à la fin de la Quatrième République. Naguère, le pays, dans ses profondeurs, m’a fait confiance pour le conduire tout entier jusqu’à son salut. Aujourd’hui, devant les épreuves qui montent de nouveau vers lui, qu’il sache que je me tiens prêt à assumer les pouvoirs de la République. »2922 Charles de GAULLE 1890-1970, Communiqué remis à la presse le 15 mai 1958. 1958, le retour de De Gaulle 1998, René Rémond Le 15 mai, Salan crie Vive de Gaulle ! » au Forum d’Alger. Cependant que le général se présente comme sauveur de la Nation, après avoir fait un sombre et juste diagnostic de la situation La dégradation de l’État entraîne infailliblement l’éloignement des peuples associés, les troubles de l’armée au combat, la dislocation nationale, la perte de l’indépendance. Depuis douze ans, la France, aux prises avec des problèmes trop rudes pour le régime des partis, est engagée dans ce processus désastreux. » Il pourrait ajouter Je vous l’avais bien dit. » Pourquoi voulez-vous qu’à soixante-sept ans je commence une carrière de dictateur ? »2923 Charles de GAULLE 1890-1970, conférence de presse, 19 mai 1958. 1958, le retour de De Gaulle 1998, René Rémond Le général tient à tranquilliser une opinion émue par sa déclaration du 15 mai. Et de conclure J’ai dit ce que j’avais à dire. À présent, je vais rentrer dans mon village et m’y tiendrai à la disposition du pays. » Le pays, divisé, bouleversé, est par ailleurs sensible à toutes les rumeurs vraies fake-news. Il ne faut pas beaucoup de mitraillettes pour disperser cent mille citoyens armés de grands principes. »2924 François MAURIAC 1885-1970, L’Express, 12 juin 1958, Bloc-notes, 1958-1960, II 1961 Au cours des journées de mai 1958, l’idée s’est répandue d’un dénouement possible de la crise par l’établissement d’une dictature militaire en France. Des parachutistes venus d’Algérie pourraient débarquer, faire jonction avec les réseaux favorables à l’Algérie française en métropole, les putschistes bénéficiant même de complicités dans l’appareil de l’État. Le 28 mai, à Paris, une foule immense et pacifique va défiler de la Nation à la République, conspuant les paras et criant Le fascisme ne passera pas ! » Mauriac qui en rend compte dénonce le danger fasciste dans L’Express, au fil de sa fameuse chronique hebdomadaire. Cette menace a précipité la solution de Gaulle, recours à l’ultime sauveur. Pour Mauriac, c’est l’homme du destin, l’homme de la grâce, le garant de l’unité du pays. Dès lors, sa vision de la politique se confond avec celle du gaullisme. Ses prises de position passionnées le conduisent à quitter L’Express pour Le Figaro littéraire, trop heureux d’accueillir désormais son Bloc-notes, publié plus tard en quatre recueils. Dans le péril de la patrie et de la République, je me suis tourné vers le plus illustre des Français. »2925 René COTY 1882-1962, Message du président de la République au Parlement, 29 mai 1958. Histoire mondiale de l’après-guerre, volume II 1974, Raymond Cartier Face à la menace de guerre civile, le président de la République fait savoir aux parlementaires qu’il a demandé au général de Gaulle de former un gouvernement. Chahuts et chants de la part des députés, qui entonnent La Marseillaise – procédé contraire à tous les usages, et même à la lettre de la Constitution. Le plus illustre des Français […] celui qui, aux années les plus sombres de notre histoire, fut notre chef pour la reconquête de la liberté et qui, ayant réalisé autour de lui l’unanimité nationale, refusa la dictature pour rétablir la République. »2971 René COTY 1882-1962, Message du président de la République au Parlement, 29 mai 1958. Histoire l’Europe et le monde depuis 1945 2006, L. Bernlochner, P. Geiss, G. Le Quintrec Ainsi définit-il le général de Gaulle, personnage historique. Il fait appel à lui au plus fort de la crise algérienne, alors que plane une menace de guerre civile en France, déchirée par la question algérienne. Le général de Gaulle apparaît comme le moindre mal, la moins mauvaise chance. »2926 Hubert BEUVE-MÉRY alias SIRIUS 1902-1989, L’amère vérité », Le Monde, 29 mai 1958 Et Pierre Brisson dans Le Figaro du 30 mai Chacun sait maintenant où situer le dernier recours de nos libertés. » Les deux directeurs de conscience de la presse bourgeoise » ne prennent la plume, chacun dans son journal, que dans les grandes occasions. Depuis quelques jours, ils ne cessent pas et se montrent de plus en plus pour ou de moins en moins contre de Gaulle. L’opposition viendra plus tard. Elle est déjà prête à tirer, avec Mitterrand. Ses compagnons d’aujourd’hui, qu’il n’a sans doute pas choisis mais qui l’ont suivi jusqu’ici, se nomment le coup de force et la sédition. »2927 François MITTERRAND 1916-1996, Assemblée nationale, 1er juin 1958. Cent mille voix par jour pour Mitterrand 1966, Claude Manceron Après une mise à l’écart de douze ans, le plus célèbre des Français revient sur le devant de la scène politique. La majeure partie du personnel politique se rallie à la solution gaulliste, mais Mitterrand s’oppose à ce coup de force ». Il ose l’affrontement, prononçant à l’Assemblée nationale ce terrible réquisitoire Lorsque, le 10 septembre 1944, le général de Gaulle s’est présenté devant l’Assemblée consultative issue des combats de l’extérieur ou de la Résistance, il avait auprès de lui deux compagnons qui s’appelaient l’honneur et la patrie. Ses compagnons d’aujourd’hui, qu’il n’a sans doute pas choisis mais qui l’ont suivi jusqu’ici, se nomment le coup de force et la sédition. La présence du général de Gaulle signifie, même malgré lui, que désormais les minorités violentes pourront impunément et victorieusement partir à l’assaut de la démocratie. » Propos contredit par André Siegfried dans la préface à L’Année politique 1958 Il [de Gaulle] avait accédé au pouvoir dans le cadre des institutions régulières existantes, même si son intention non dissimulée était de les changer. » Il y a cependant contradiction ou du moins ambiguïté fondamentale le général de Gaulle arrive à l’investiture légale par l’action illégale de militaires et comploteurs qu’il n’a sans doute pas inspirés, mais pas non plus politiquement désavoués. Tout le plaisir et l’honneur que j’ai de me trouver parmi vous… »2928 Charles de GAULLE 1890-1970, premiers mots de sa déclaration, Assemblée nationale, séance de nuit du 1er au 2 juin 1958. Le Crapouillot 1967 Dans son discours d’investiture du 1er juin, président du Conseil désigné » par le Président Coty, il a dénoncé la cause profonde de nos épreuves […] la confusion et, par là même, l’impuissance des pouvoirs » et s’est proposé pour tenter de conduire une fois de plus le salut du pays, l’État, la République », en réclamant les pleins pouvoirs. Il est sorti de l’hémicycle. L’investiture est votée par 329 voix contre 224 communistes, radicaux amis de Mitterrand et de Mendès France. Il a obtenu ce qu’il voulait les pleins pouvoirs en métropole et des pouvoirs spéciaux en Algérie, la modification de l’article 90 de la Constitution, pour lui permettre d’en préparer une nouvelle. Dans la nuit du 1er au 2, il revient entouré de ses ministres et les présente aux parlementaires, leur faisant ainsi une faveur inhabituelle, d’autant plus étonnante qu’il n’a cessé de vilipender le régime et son personnel ». Mais l’humour donne un autre sens à sa déclaration. Vous verrez, après la musique de chambre, ce sera la musique militaire. »2929 Georges BIDAULT 1899-1983, dans les couloirs du Parlement, après la séance de nuit du 1er au 2 juin 1958. Vie politique sous la Cinquième République 1981, Jacques Chapsal Humour pour humour, c’est de bonne guerre. Et les communistes résument Après l’opération sédition, c’est l’opération séduction. » Je vous ai compris ! »2930 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours au balcon du gouvernement général à Alger, 4 juin 1958. Mémoires d’espoir, tome I, Le Renouveau, 1958-1962 1970, Charles de Gaulle Que n’a-t-on dit sur ces quatre mots ! Dans ses Mémoires, le Général explique Mots apparemment spontanés dans la forme, mais au fond bien calculés, dont je veux qu’elle [la foule] s’enthousiasme, sans qu’ils m’emportent plus loin que je n’ai résolu d’aller. » Et il poursuit, face à la foule Je vois que la route que vous avez ouverte en Algérie, c’est celle de la rénovation et de la fraternité […] Jamais plus qu’ici et jamais plus que ce soir, je n’ai compris combien c’est beau, combien c’est grand, combien c’est généreux, la France. » Au journaliste du Monde, André Passeron, le 6 mai 1966, il confiera J’ai toujours su et décidé qu’il faudrait donner à l’Algérie son indépendance. Mais imaginez, qu’en 1958, quand je suis revenu au pouvoir, je disais sur le Forum d’Alger qu’il fallait que les Algériens prennent eux-mêmes leur gouvernement, il n’y aurait plus eu de De Gaulle immédiatement ! » On reconnaît le pragmatisme propre à tout homme politique. Il n’y a plus ici, je le proclame en son nom [la France] et je vous en donne ma parole, que des Français à part entière, des compatriotes, des concitoyens, des frères qui marcheront désormais dans la vie en se tenant la main […] Vive l’Algérie française. »2931 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours de Mostaganem, 6 juin 1958. De Gaulle, 1958-1969 1972, André Passeron À Mostaganem, il confirme le fameux discours d’Alger. De Gaulle fera cinq fois le voyage Paris-Algérie, en 1958. Il joue de son charisme qui est immense. Il veut montrer qu’il prend l’affaire algérienne en main, qu’il y a un pouvoir et qu’il l’incarne. Bref, que c’en est fini des mœurs de la Quatrième République. 2. La Constitution de la Cinquième sera l’arme absolue » du pouvoir présidentiel avec l’appui du peuple, mesuré par référendums plus que sondages d’opinion. Un des caractères essentiels de la Constitution de la Ve République, c’est qu’elle donne une tête à l’État. »2932 Charles de GAULLE 1890-1970, Conférence de presse, 20 septembre 1962. Les Grands Textes de la pratique institutionnelle de la Ve République 1992, Documentation française C’est cette autorité qui a tant manqué à la précédente République et qui est indispensable pour régler les trois affaires qui dominent notre situation l’Algérie, l’équilibre financier et économique, la réforme de l’État », dira de Gaulle à la radio, peu de temps après son arrivée au pouvoir en 1958. Ajoutons qu’il y aura quasi-identification entre cette République et cette tête, aussi longtemps que de Gaulle en sera le président. Qu’est-ce que la Ve République, sinon la possession du pouvoir par un seul homme dont la moindre défaillance est guettée avec une égale attention par ses adversaires et par le clan de ses amis ? »2933 François MITTERRAND 1916-1996, Le Coup d’État permanent 1964 Des phrases comme celle-ci s’appliquent à toute la période gaulliste… et à Mitterrand devenu à son tour président. Mais il s’agit avant tout, à l’époque, d’un pamphlet antigaulliste J’appelle le régime gaulliste dictature parce que, tout compte fait, c’est à cela qu’il ressemble le plus. » Mitterrand, plusieurs fois ministre sous la Quatrième, va payer son opposition irréductible au général. Il perd son siège de député élu de la Nièvre, pendant quatre ans. Notre Constitution est à la fois parlementaire et présidentielle, à la mesure de ce que nous commandent à la fois les besoins de notre équilibre et les traits de notre caractère. »2934 Charles de GAULLE 1890-1970, Conférence de presse, 11 avril 1961. Les Idées constitutionnelles du général de Gaulle 1974, Jean Louis Debré, Charles de Gaulle Conclusion d’un discours politique qui a pour thème la Constitution, à qui certains reprochent de n’être ni parlementaire – type IIIe ou IVe République – ni présidentielle comme aux États-Unis. Les lectures » de la Constitution par les constitutionnalistes changeront avec les événements, les hommes et la pratique constitutionnelle c’est un texte parfaitement adapté et adaptable aux circonstances. Notre système, précisément parce qu’il est bâtard, est peut-être plus souple qu’un système logique. Les corniauds » sont souvent plus intelligents que les chiens de race. »2935 Georges POMPIDOU 1911-1974, Le Nœud gordien 1974 Témoignage de président, auparavant Premier ministre de De Gaulle durant six ans, et parole prophétique de la cohabitation, à commencer par celle des années 1986-1988 il faudra en effet une souplesse certaine pour que coexistent plus ou moins pacifiquement un président de gauche Mitterrand et un gouvernement issu d’une Assemblée de droite. Et vice versa. Au total, trois cohabitations 1986-1988, 1993-1995 et 1997-2002. Phénomène pour ainsi dire inconnu dans les autres pays. Tout de même qu’à bord du navire l’antique expérience des marins veut qu’un second ait son rôle à lui à côté du commandant, ainsi dans notre nouvelle République, l’exécutif comporte-t-il après le président voué à ce qui est essentiel et permanent un Premier ministre aux prises avec les contingences. »2936 Charles de GAULLE 1890-1970, Mémoires d’espoir, tome I, Le renouveau, 1958-1962 1970 Division du travail, et problème fondamental du fonctionnement de nos institutions que l’existence d’un domaine réservé » au chef de l’État, cependant que le second », qui n’est plus président du Conseil, mais seulement le Premier des ministres de son gouvernement, gère le quotidien, rôle moins prestigieux et plus ingrat. 3. Cinquième République. L’homme d’État se révèle clairement sur tous les fronts, au quotidien et à l’international, en attendant que l’Algérie devienne le seul problème. Que vienne la paix des braves et je suis sûr que les haines iront en s’effaçant. »2981 Charles de GAULLE 1890-1970, Conférence de presse à l’hôtel Matignon, 23 octobre 1958. 1958, le retour de De Gaulle 1998, René Rémond Qu’est-ce à dire ? Simplement ceci que ceux qui ont ouvert le feu le cessent et qu’ils retournent sans humiliation à leur famille et à leur travail ! » Mais ce n’est pas ce que veut le Front de Libération nationale FLN le 25 septembre, il a affirmé sa volonté de négociations politiques aussi bien que militaires et deux mois plus tard, il crée le Gouvernement provisoire de la République algérienne GPRA. De Gaulle posera bientôt comme seule condition aux négociations de laisser le couteau au vestiaire ». Mais la paix des braves, sur le terrain comme dans un traité, est encore loin d’être conclue. Guide de la France, et chef de l’État républicain, j’exercerai le pouvoir suprême dans toute l’étendue qu’il comporte désormais. »2982 Charles de GAULLE 1890-1970, Déclaration radiotélévisée, 28 décembre 1958. Les Idées constitutionnelles du général de Gaulle 1974, Jean Louis Debré, Charles de Gaulle Il vient d’être élu président de la République, le 21 décembre. La nouvelle Constitution, ratifiée par le référendum du 28 septembre avec près de 80 % de oui, et promulguée le 4 octobre, fonde le nouveau régime présidentiel de la Cinquième République, confiant au chef de l’État les quatre attributions fondamentales, sans aucune obligation de contreseing ministériel la nomination du Premier ministre, la dissolution de l’Assemblée nationale, le recours au référendum et la mise en jeu des pouvoirs spéciaux en cas de crise. Chèque en blanc », titre Le Monde. Dès sa naissance, le Marché commun va devoir entrer en négociation quasi permanente avec ses voisins, les autres, la Terre entière. Et sa vie sera dominée par le problème des concessions ou dérogations accordées pour se faire admettre. »2983 Jean-François DENIAU 1928-2007, L’Europe interdite 1977 Le 1er janvier 1959, le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne CEE entre en vigueur. Il a été signé le 25 mars 1957 et certains craignaient – étant donné les événements algériens et la réputation d’anti-européen faite à de Gaulle – que la France ne demande de repousser l’échéance de son entrée dans le Marché commun. L’Algérie de papa est morte. Si on ne le comprend pas, on mourra avec elle. »2984 Charles de GAULLE 1890-1970, Déclaration à Pierre Laffont, directeur de L’Écho d’Oran, 29 avril 1959. Algérie 1962, la guerre est finie 2002, Jean Lacouture Mais que sera l’Algérie de l’avenir ? Le président est trop pragmatique, l’Algérie trop déchirée par la guerre et les événements trop incertains pour que soit fixée une ligne politique. De Gaulle attend la mi-septembre pour lancer le mot, l’idée d’ autodétermination », d’où trois solutions possibles sécession pure et simple, francisation complète dans l’égalité des droits, de Dunkerque à Tamanrasset », ou gouvernement des Algériens par les Algériens en union étroite avec la France. En France, la droite qui veut l’Algérie française commence à se diviser ; en Algérie, le GPRA veut des négociations préalables et l’armée va vivre bien des déchirements. Non, il n’est pas chaud, le contingent. Pour tout dire, il n’a pas d’allant. Il est même buté comme un âne. »2985 Michel COURNOT 1922-2007, L’Express 1959. Les Parachutistes 2006, Gilles Perrault Il décrit l’état d’esprit d’un jeune soldat dans la Casbah d’Alger, alors que la pacification est un préalable à toute négociation, donc un devoir de l’armée. C’est dire la sympathie que ce journaliste très intellectuel de gauche éprouve pour le contingent » Le contingent a écouté, et il n’est pas convaincu. Il ne se sent pas tellement chaud pour défendre la liberté en allant au-delà des mers tirer à coups de canon sur des gaillards en espadrilles… » Je puis vous assurer que la Loire continuera à couler dans son lit. »2986 Charles de GAULLE 1890-1970, Aux maires du Loiret, à Orléans, mai 1959. De Gaulle parle des institutions, de l’Algérie, de l’armée, des affaires étrangères, de la Communauté, de l’économie et des questions sociales 1962, André Passeron Mot qualifié d’ infrahistorique » par son biographe Jean Lacouture. De Gaulle, pour être lui-même, a besoin de circonstances exceptionnelles, et tout président de la République doit prononcer au quotidien » d’innombrables discours sur tout et sur rien !Dans le même esprit, à Fécamp Je salue Fécamp, port de mer et qui entend le rester » et à Lyon Lyon n’a jamais été aussi lyonnaise. » Si humour il y a, il est sans doute involontaire. Il faut que la défense de la France soit française […] Un pays comme la France, s’il lui arrive de faire la guerre, il faut que ce soit sa guerre. Il faut que son effort soit son effort. »2938 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours au Centre des hautes études militaires, 3 novembre 1959. Discours et messages avec le renouveau, mai 1958-juillet 1962 1970, Charles de Gaulle C’est aussi un militaire qui parle. Pendant sa guerre de Résistance, il a dû se battre pour être reconnu du grand allié américain. Un peu plus tard, face aux USA, il affirmera Il est intolérable à un grand État que son destin soit laissé aux décisions et à l’action d’un autre État quelque amical qu’il puisse être. » La force de frappe atomique française, clé de voûte du système de défense, combattue du vivant du général de Gaulle, populaire dans l’opinion, sera développée par tous ses successeurs. Au XXIe siècle, hors tout contexte de guerre froide, la force de dissuasion nationale n’est pas vraiment remise en question. Oui, c’est l’Europe depuis l’Atlantique jusqu’à l’Oural, c’est l’Europe, toutes ces vieilles terres où naquit, où fleurit la civilisation moderne, c’est toute l’Europe qui décidera du destin du monde. »2987 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours de Strasbourg, 23 novembre 1959. De Gaulle et l’Europe 1963, Roger Massip Autre problème majeur, mais question toujours posée au XXIe siècle. De quelle Europe s’agit-il ? Un an plus tôt, de Gaulle écrit à Paul Reynaud Vous savez qu’à mon sens, on peut voir l’Europe et peut-être la faire de deux façons l’intégration par le supranational, ou la coopération des États et des nations. C’est à la deuxième que j’adhère. » Le discours de Strasbourg reste prophétique sur un autre plan. L’Europe a vécu la réunification de l’Allemagne et la réconciliation entre les deux pays jadis ennemis, devenus alliés. Plus globalement, la guerre froide et le communisme dans sa version soviétique appartiennent à un passé révolu. De sorte que l’idée de maison commune » européenne et de cette Europe de l’Atlantique à l’Oural » ne relève plus de l’utopie. Il m’a semblé et il me semble qu’il est avant tout nécessaire de refaire la vieille Europe, de la refaire solidaire, notamment quant à sa reconstruction et à sa renaissance économique dont tout le reste dépend, de la refaire avec tous ceux qui, d’une part, voudront et pourront s’y prêter et, d’autre part, demeurent fidèles à cette conception du droit des gens et des individus d’où est sortie et sur laquelle repose notre civilisation. »2969 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours, entretiens et autres sources, blog de l’UGF Union des Gaullistes de France Trop souverainiste participant de l’État souverain pour approuver l’intégration européenne et le fédéralisme, il n’en demeure pas moins prophétique et visionnaire sur ce thème comme sur tant d’autres. D’où le dialogue avec Malraux, lui aussi acteur de l’histoire et l’un des penseurs du siècle. Le vieux franc français, si souvent mutilé à mesure de nos vicissitudes, nous voulons qu’il reprenne une substance conforme au respect qui lui est dû. »2988 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours sur la politique de rigueur, 28 décembre 1958, annonçant la création d’un nouveau franc, le 1er janvier 1960. De Gaulle vous parle 1967, Charles de Gaulle La création du nouveau franc 1960 valant 100 francs anciens a été annoncée un an plus tôt. Si le mot rigueur » n’apparaît pas dans le discours, il le définit bien. L’opération franc lourd » cause un choc psychologique et lie avec habileté l’avenir de la monnaie et le prestige international du pays, dans le cadre d’une nouvelle politique économique et financière rendant la France compétitive en Europe. Antoine Pinay, ministre des Finances et des Affaires économiques jouissant d’un immense prestige auprès du Français moyen, va cependant démissionner en janvier 1960, pour cause de désaccord avec le chef de l’État notamment sur la CEE, Communauté économique européenne créée en 1957, origine de l’actuelle Union européenne. Le vieux franc français est né le 5 décembre 1360, en pleine guerre de Cent Ans. Et quarante ans après sa création, le nouveau franc s’effacera devant la monnaie européenne, l’euro, nouvel enjeu économique et stratégique, pari globalement réussi. 4. La guerre d’Algérie et la politique présidentielle imposée par la situation, clairement exposée au fil des événements et massivement approuvée par référendums. En vertu du mandat que le peuple m’a donné et de la légitimité nationale que j’incarne depuis vingt ans, je demande à tous et à toutes de me soutenir quoi qu’il arrive. »2972 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotélévisée, 29 janvier 1960. Discours et messages, volume III 1970, Charles de Gaulle Vingt ans après – après le fameux Appel du 18 juin 1940 –, lui-même se pose en personnage historique et s’impose à un autre moment crucial de l’histoire de France – les barricades d’Alger. Je m’adresse à la France. Eh bien, mon cher et vieux pays, nous voici donc ensemble encore une fois, face à une nouvelle épreuve. »2989 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotélévisée, 29 janvier 1960. De Gaulle 1964, François Mauriac Omniprésent sur tous les fronts, le président excelle dans la communication directe avec la France et les Français. Cette fois, le général s’est mis en tenue militaire, pour traiter du drame national. La semaine des Barricades a commencé à Alger, le 24 janvier. La population de souche métropolitaine refuse l’idée d’autodétermination lancée par de Gaulle, et s’oppose au renvoi du général Massu – qui a affirmé dans un journal allemand que l’armée était pour l’Algérie française. L’armée française, que deviendrait-elle, sinon un ramas anarchique et dérisoire de féodalités militaires, s’il arrivait que des éléments mettent des conditions à leur loyalisme ? […] Aucun soldat ne doit, sous peine de faute grave, s’associer à aucun moment, même passivement, à l’insurrection. »2990 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotélévisée, 29 janvier 1960. De Gaulle le souverain, 1959-1970 1986, Jean Lacouture Le général, en tenue de général, en appelle à la discipline des soldats et sauve la situation par ce discours. Selon Raymond Aron Preuves, mars 1960 Durant ces cinq jours, rien n’existait plus, ni le régime, ni la Constitution, ni moins encore le gouvernement, hésitant et divisé il ne restait plus rien qu’un homme, et un homme seul. » La semaine des Barricades aura des suites importantes gouvernement remanié, affaires algériennes prises encore plus directement en main par l’Élysée. De Gaulle se rend sur place début mars pour reprendre contact avec l’armée – c’est la tournée des popotes » où les déclarations restent officieuses et contradictoires. Il parlera publiquement de République algérienne le 4 novembre prochain. Hourra pour la France ! Depuis ce matin, elle est plus forte et plus fière. »2991 Charles de GAULLE 1890-1970, Télégramme, 13 février 1960. De Gaulle le souverain, 1959-1970 1986, Jean Lacouture Première explosion de la bombe A française à Reggane Sahara. C’est une étape dans la politique d’indépendance militaire du général qui se refuse à la docilité atlantique » et veut doter le pays des moyens modernes de la dissuasion ». La France entre ainsi dans le club encore très fermé des puissances atomiques. Elle refusera de signer le traité de Moscou du 3 août 1963, sur la non-prolifération nucléaire. Le 28 août 1968, c’est l’explosion de la première bombe H dans le Pacifique. Il est tout à fait naturel qu’on ressente la nostalgie de ce qui était l’Empire, tout comme on peut regretter la douceur des lampes à huile, la splendeur de la marine à voile, le charme du temps des équipages. Mais, quoi ? Il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités. »2992 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotélévisée, 14 juin 1960. L’Année politique, économique, sociale et diplomatique en France 1961 Après la guerre d’Indochine, l’affaire tunisienne puis l’imbroglio marocain réglés sous la IVe République, outre le drame de l’Algérie, il reste encore en 1958 à achever la décolonisation de l’Afrique noire et de Madagascar, en germe dans la loi Defferre de 1956. L’opinion publique y est moins sensible qu’au problème algérien. De Gaulle pense d’abord à une Communauté avec défense, politique étrangère et politique économique communes. Sous la pression des événements, il opte pour la décolonisation et accorde en 1960 l’indépendance, qui n’exclut pas le maintien de liens privilégiés entre la métropole et ses ex-colonies africaines. Il faut qu’avant d’entrer dans la salle [des négociations] on ait déposé son couteau. »2993 Charles de GAULLE 1890-1970, 6 septembre 1960. De Gaulle 1972, André Passeron Le couteau au vestiaire » devient le préalable de toute négociation. Mais l’on continue de se battre en Algérie, tandis qu’en France, intellectuels et syndicalistes manifestent pour la paix en Algérie. Pendant la guerre d’Algérie, Zola deviendrait légion, et quotidien J’accuse. »2994 Georges DUBY 1919-1996, Histoire de la France 1987 Allusion au combat de Zola dans l’affaire Dreyfus, et à son célèbre article dans L’Aurore du 13 janvier 1898. Nombre d’intellectuels de gauche se sont politiquement engagés dans l’affaire algérienne. Exemple le Manifeste des 121 », signé par des professeurs et des écrivains, des artistes et des comédiens, publié le 6 septembre 1960, dénonçant la torture en Algérie et réclamant le droit à l’insoumission ». C’est une façon de soutenir le réseau Jeanson, démantelé au début de l’année, dont le procès commence, devant le tribunal des forces armées. La gauche est impuissante et elle le restera si elle n’accepte pas d’unir ses efforts à la seule force qui lutte aujourd’hui réellement contre l’ennemi commun des libertés algériennes et des libertés françaises. Et cette force est le FLN. »2995 Jean-Paul SARTRE 1905-1980, Lettre au procès Jeanson 5 septembre-1er octobre 1960. La Guerre d’Algérie des complots du 13 mai à l’indépendance 1981, Henri Alleg Certains Français ne se contentent plus de prendre position en faveur de la paix en Algérie et de négociations avec le FLN, ils apportent une aide directe à ses membres, c’est-à-dire aux dirigeants de la rébellion, participant même à des faits de guerre ou de terrorisme. Le réseau Jeanson regroupe 6 Algériens et 17 Français de métropole accusés, entre autres, de transporter des fonds, des faux papiers, du matériel de propagande – d’où le nom de porteurs de valises » donné par Sartre. Il est personnellement lié à Francis Jeanson en fuite, et donc absent au procès. Ne pouvant se présenter lui-même au tribunal retenu au Brésil pour une tournée de conférence, l’écrivain exprime sa solidarité par une longue lettre, se référant au Manifeste des 121 qu’il a naturellement signé. 26 avocats dont Roland Dumas défendent les inculpés, faisant durer le procès et ridiculisant le tribunal, stratégie payante face à l’opinion publique. Jeanson sera reconnu coupable de haute trahison, et condamné à dix ans de réclusion – amnistié en 1966. La majorité des autres membres du réseau sont condamnés plus ou moins sévèrement, et neuf acquittés. Le Monde, en septembre 2000, rend justice à ces traîtres qui sauvèrent l’honneur de la France » Dominique Vidal. La République algérienne existera un jour. »2996 Charles de GAULLE 1890-1970, Conférence télévisée, 4 novembre 1960. La Guerre d’Algérie et les intellectuels français 1991, Jean-Pierre Rioux, Jean-François Sirinelli Alors que la guerre s’éternise, le président relance la politique algérienne, annonçant un référendum sur l’autodétermination, parlant pour la première fois de République algérienne », fustigeant les deux meutes ennemies, celle de l’immobilisme stérile et celle de l’abandon vulgaire ». Il part en Algérie le 12 décembre pour lancer la campagne sur le référendum émeutes à Alger, Oran. Le Front de l’Algérie française se heurte aux musulmans brandissant le drapeau vert du FLN 120 morts, et c’en est fini du mythe de la fraternisation entre les communautés. Françaises, Français […] j’ai besoin de savoir ce qu’il en est dans les esprits et dans les cœurs, c’est pourquoi je me tourne vers vous par-dessus tous les intermédiaires. En vérité, qui ne le sait, l’affaire est entre chacune de vous, chacun de vous et moi-même. »2997 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotélévisée, 6 janvier 1961. L’Année politique, économique, sociale et diplomatique en France 1962 Dernière apparition présidentielle, avant le référendum du 8 qui demande au peuple français d’approuver le principe de l’autodétermination du peuple algérien. Oui » plus de 75 % des suffrages exprimés. Les électeurs n’ont pas suivi les consignes des partis politiques et, comme de Gaulle, ont négligé ces intermédiaires. Le choc est dur, chez les Européens d’Algérie également consultés et qui ont répondu majoritairement non » ils ne se savaient pas à ce point coupés de la métropole, abandonnés. D’où le durcissement de leur position, alors que des négociations sont annoncées entre la France et le FLN à Évian. L’OAS frappe où elle veut, quand elle veut, comme elle veut. »2998 Slogan de la nouvelle Organisation Armée secrète ». L’OAS et la fin de la guerre d’Algérie 1985, M’Hamed Yousfi Premiers tracts lancés début février 1961. L’armée fait son métier en Algérie, avec 400 000 hommes qui se battent sur le terrain. La pacification progresse excepté dans les Aurès, mais le terrorisme fait rage et le FLN multiplie les attentats. Les Européens d’Algérie vivent aussi dans la terreur de la négociation, qui conduira inévitablement à l’indépendance. Et l’OAS, choisissant la politique du désespoir, recourt également aux attentats. Ainsi, le maire d’Évian, Camille Blanc, tué par une charge de plastic le 31 mars, assassiné uniquement parce que sa ville est choisie pour accueillir les négociations. Cela n’infléchit en rien la politique du président. La décolonisation est notre intérêt et par conséquent notre politique. Pourquoi resterions-nous accrochés à des dominations coûteuses, sanglantes et sans issue, alors que notre pays est à renouveler de fond en comble ? »2939 Charles de GAULLE 1890-1970, Conférence de presse, 11 avril 1961. Paroles de chefs, 1940-1962 1963, Claude Cy, Charles de Gaulle Il a reconnu auparavant que la France a réalisé outre-mer une grande œuvre humaine qui, malgré des abus ou des erreurs, lui fait pour toujours honneur. La Quatrième République, qui a commencé la décolonisation Indochine, Maroc, Tunisie, Afrique noire en cours, a rappelé de Gaulle au pouvoir pour résoudre l’ affaire algérienne ». Ce qu’il va faire en lui donnant l’indépendance inscrite dans le cours de l’histoire. Cet État sera ce que les Algériens voudront. Pour ma part, je suis persuadé qu’il sera souverain au-dedans et au-dehors. Et, encore une fois, la France n’y fait aucun obstacle. »2999 Charles de GAULLE 1890-1970, Conférence de presse, 11 avril 1961. L’Année politique, économique, sociale et diplomatique en France 1962 De Gaulle annonce qu’il envisage l’indépendance de l’Algérie avec un cœur parfaitement tranquille ». Onze jours plus tard, c’est le putsch, dans la nuit du 21 au 22 avril. Ce qui est grave dans cette affaire, Messieurs, c’est qu’elle n’est pas sérieuse. »3000 Charles de GAULLE 1890-1970, Conseil des ministres extraordinaire, réuni à 17 heures, le 22 avril 1961. La Fronde des généraux 1961, Jacques Fauvet, Jean Planchais La population d’Alger a été réveillée à 7 heures du matin, par ce message lu à la radio L’armée a pris le contrôle de l’Algérie et du Sahara. » Les généraux rebelles font arrêter le délégué général du gouvernement, et un certain nombre d’autorités civiles et militaires. Quelques régiments se rallient aux rebelles. La population européenne, qui se sent abandonnée par la métropole, est avec eux. Mais de Gaulle semble serein, devant ses ministres. Le directoire militaire a quand même pris le pouvoir à Alger. Les ralliements se multiplient derrière les quatre généraux, Challe, Zeller, Jouhaud et Salan, qui dénoncent la trahison » du général de Gaulle et font le serment de garder l’Algérie pour que nos morts ne soient pas morts pour rien ». Les insurgés tiennent Oran, Constantine le lendemain. Le coup d’État semble réussi. De Gaulle reparaît et va trouver les mots qui tuent. Ce pouvoir a une apparence un quarteron de généraux en retraite. Il a une réalité un groupe d’officiers, partisans, ambitieux et fanatiques. »3001 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotélévisée, 23 avril 1961. Algérie 1962, la guerre est finie 2002, Jean Lacouture Revêtu de sa tenue de général, le de Gaulle des grandes heures parle Au nom de la France, j’ordonne que tous les moyens soient employés pour barrer partout la route à ces hommes-là, en attendant de les réduire. » Il demande que s’applique l’article 16 de la Constitution pouvoirs spéciaux c’est une dictature républicaine », justifiée par la situation. Tous les bidasses entendent cette voix de la France sur leur transistor. Le contingent refuse de suivre le quarteron de généraux ovationnés par les pieds-noirs sur le Forum d’Alger, entre les cris Algérie française » et de Gaulle au poteau ! » Mais le vent tourne. Challe se livre le 26, suivi par Zeller. Salan et Jouhaud continuent dans la clandestinité, l’OAS résiste encore combat d’hommes désespérés, d’autant plus dangereux. Il faut que les objectifs à déterminer par le Plan […] revêtent pour tous les Français un caractère d’ardente obligation. »3002 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotélévisée, 8 mai 1961. La Mystique du Plan 1963, Philippe Bauchard Même en pleine guerre d’Algérie, il faut se préoccuper de l’ intendance ». Le Plan, depuis seize ans, oriente l’économie de la France. De Gaulle en parle ainsi dans ses Mémoires d’espoir Il embrasse l’ensemble, fixe les objectifs, établit une hiérarchie des urgences et des importances, introduit parmi les responsables et même dans l’esprit public le sens de ce qui est global, ordonné et continu, compense l’inconvénient de la liberté sans en perdre l’avantage ». Le premier Plan de la Ve République IVe Plan depuis la Libération couvre la période 1961-1964. Il est le plus concerné par cette ardente obligation ». Il y en aura dix. Le projet du numéro XI est victime de la crise de la planification française. En fait, l’outil, trop rigide, n’est plus adapté à d’autres besoins, d’autres temps. Dès lors que l’État et la nation ont choisi leur chemin, le devoir militaire est fixé une fois pour toutes. Hors de ses règles, il ne peut y avoir, il n’y a que des soldats perdus. »3003 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours à Strasbourg, 23 novembre 1961. L’Année politique, économique, sociale et diplomatique en France 1962 Il s’exprime en ces termes, lors d’une grande manifestation militaire devant les cadres de l’armée. L’automne et l’hiver sont dramatiques, les passions s’exaspérant de part et d’autre. L’OAS multiplie les attentats, en Algérie comme en métropole le plastic vise de Gaulle lui-même 9 septembre à Pont-sur-Seine, Malraux et divers intellectuels. Les manifestations pro-FLN, musulmanes, syndicales, entraînent contre-manifestations, charges de police, morts. Ils sont neuf à la station de métro Charonne. 300 000 personnes suivront leur enterrement, le 13 février 1962. L’opinion est mobilisée, mais lasse aussi. Il faut en finir avec cette sale guerre. Je lis Paris-Turf. J’en ai rien à faire de la politique […] Moi je suis un vieux libertaire, un vieil anar. Un anar bourgeois […] d’ailleurs tous les anars sont des bourgeois. Ils veulent pas être emmerdés. Ils veulent la sûreté, la tranquillité. »3004 Jean GABIN 1904-1976, L’Express, 22 février 1962 Dans cette période politisée à l’extrême, Gabin, l’un des acteurs les plus populaires du cinéma français, exprime à sa façon le ras-le-bol d’un certain nombre de Français devant les événements. Il va peser lourd le oui que je demande à chacune et à chacun de vous ! »3005 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotélévisée, 26 mars 1962. Les Accords d’Évian, le référendum et la résistance algérienne 1962, Maurice Allais Le général, comme à son habitude dans les grands moments, en appelle à la population. Il donne les résultats des négociations d’Évian, proclame le cessez-le-feu, et annonce le prochain référendum Il faut maintenant que s’expriment très haut l’approbation et la confiance nationale. » Le 8 avril, plus de 90 % des Français approuveront les accords d’Évian signés le 18 mars. Le oui des Algériens consultés le 2 est encore plus massif. Le 3, la France reconnaît l’indépendance de l’Algérie et Ben Bella devient président de la République. Juridiquement, la guerre est finie. La vie politique française sera marquée par les séquelles de cette guerre non déclarée, qui a éclaté le 1er novembre 1954 et mobilisé deux millions de jeunes Français du contingent. Bilan 25 000 tués chez les soldats français, 2 000 morts de la Légion étrangère, un millier de disparus et 1 300 soldats morts des suites de leurs blessures. Environ 270 000 musulmans algériens sont morts, sur une population de dix millions d’habitants. Et deux millions de musulmans déportés en camps de regroupement. La valise ou le FLN, écrit sur des petits cercueils postés aux pieds-noirs. De Gaulle ou l’éternel défi 56 témoignages 1988, Jean Lacouture, Roland Mehl, Jean Labib Au printemps 1946, le PPA Parti du peuple algérien luttant pour l’indépendance diffusait déjà le slogan à Constantine, sur des tracts glissés dans les boîtes aux lettres. Mais c’est au printemps 1962, à Alger, à Oran, que les attentats sont les plus nombreux, une charge de plastic pouvant faire plus de cent morts et blessés ! Le FLN déclenche également à la mi-avril une série d’enlèvements, pour lutter contre l’OAS toujours active dans le maquis. Mais ses membres sont protégés, en centre-ville, et les victimes sont surtout les colons isolés dans les bleds, les harkis, les habitants des banlieues. La découverte de charniers augmente la peur des petits blancs. L’exode s’accélère il y aura beaucoup de valises, et de cercueils aussi, à l’issue de cette guerre de huit ans. La guerre ne s’est pas terminée dans de bonnes conditions, mais c’étaient les seules conditions possibles. »3007 Paul REYNAUD 1878-1966, fin avril 1962. Vie politique sous la Cinquième République 1981, Jacques Chapsal À l’occasion du déjeuner de la presse anglo-saxonne, dont il est l’hôte d’honneur. Le 8 avril, plus de 90 % des Français ont approuvé par référendum les accords d’Évian du 18 mars. Juridiquement, la guerre est finie et le 3 juillet, la France reconnaît l’indépendance de l’Algérie. Mais politiquement, bien des drames vont encore se jouer. Certains jours de printemps, à Alger, à Oran, les attentats font plus de cent morts. L’exode vers la métropole sera plus massif que prévu et dans des conditions plus pénibles on attendait 350 000 rapatriés en cinq ans, ils seront 700 000 en quatre mois. Être, avoir été le premier collaborateur du général de Gaulle est un titre inégalé. »3008 Michel DEBRÉ 1912-1996, Premier ministre, fin de la lettre au général de Gaulle, rendue publique le 15 avril 1962. L’Année politique, économique, sociale et diplomatique en France 1963 Il faut tourner la page après la conclusion du drame algérien Comme il était convenu, et cette étape décisive étant franchie, j’ai l’honneur, Mon Général, de vous présenter la démission du gouvernement. » Ce à quoi le général de Gaulle répond En me demandant d’accepter votre retrait du poste de Premier ministre et de nommer un gouvernement, vous vous conformez entièrement et de la manière la plus désintéressée à ce dont nous étions depuis longtemps convenus. » Georges Pompidou entre alors sur la scène de l’histoire il forme le nouveau gouvernement le 25 avril, essentiellement UNR parti gaulliste, avec quelques MRP Mouvement républicain populaire. Pompidou n’est pas un parlementaire rompu au jeu politique, mais un agrégé sachant écrire », parachuté à 33 ans dans le cabinet de Gaulle en 1944. Il restera six ans chef de gouvernement – un record, sur ce siècle ! Il ne peut pas y avoir d’autre Europe que celle des États. »3009 Charles de GAULLE 1890-1970, Conférence de presse, 15 mai 1962. Discours et messages, volume III 1970, Charles de Gaulle Et pour preuve Dante, Goethe, Chateaubriand appartiennent à toute l’Europe dans la mesure même où ils étaient respectivement et éminemment Italien, Allemand et Français. Ils n’auraient pas beaucoup servi l’Europe s’ils avaient été des apatrides et s’ils avaient pensé, écrit en quelque esperanto ou volapük intégré ». Du coup, les membres du gouvernement appartenant au MRP, parti très européen, démissionnent, Pierre Pflimlin en tête, Robert Buron à sa suite. Remplacés par des Indépendants. 5. 22 août 1962. L’attentat du Petit-Clamart contre de Gaulle frappe l’opinion publique et justifie le tournant constitutionnel approuvé par référendum l’élection présidentielle au suffrage universel prend tout son sens. Aujourd’hui ou demain, envers et contre tous, le traître de Gaulle sera abattu comme un chien enragé. »3010 Tract CNR nouveau Conseil national de la résistance, créé par l’OAS reçu par tous les députés, après l’attentat du Petit-Clamart, août 1962. Chronique des années soixante 1990, Michel Winock C’est encore une retombée de la guerre d’Algérie, aux conséquences importantes, et surtout inattendues. De Gaulle échappe par miracle à l’attentat, le soir du 22 août, au carrefour du Petit-Clamart, près de l’aéroport militaire de Villacoublay. Sa DS 19 est criblée de 150 balles, et seul le sang-froid du chauffeur, accélérant malgré les pneus crevés, a sauvé la vie au général et à Mme de Gaulle. Condamné à mort par la Cour militaire de justice, le lieutenant-colonel Bastien-Thiry, chef du commando et partisan de l’Algérie française, est fusillé le 11 mars 1963 – dernier cas en France. Dès le lendemain de l’attentat, de Gaulle profite de l’émotion des Français pour faire passer une réforme qui lui tient à cœur l’élection du président au suffrage universel. S’il devait mourir, cela donnerait plus de poids à son successeur, et plus de légitimité. Tous les partis sont contre, sauf le parti gaulliste UNR et une minorité d’indépendants Giscard d’Estaing en tête. Le seul précédent historique est fâcheux Louis-Napoléon Bonaparte, élu du suffrage universel, transforma vite ce coup d’essai en coup d’État. De Gaulle annonce un référendum pour le 28 octobre. Pour nous, Républicains, la France est ici [dans l’hémicycle] et non ailleurs. Penser autrement, ce serait douter de la République. »3011 Paul REYNAUD 1878-1966, Assemblée nationale, 4 octobre 1962. Notes et études documentaires, nos 4871 à 4873 1988, Documentation française La Ve République est un régime dont le caractère présidentiel va se renforcer avec l’élection du président au suffrage universel. Un référendum doit décider de cette modification constitutionnelle. Ce jour-là, Paul Reynaud, opposé à ce projet, exprime pour la dernière fois la vision ultra-représentative de la souveraineté parlementaire, qui domina la IIIe et la IVe Républiques. La Constitution est violée. »3012 Gaston MONNERVILLE 1897-1991, président du Sénat, 9 octobre 1962. Le Consensus à la française 2002, Sylvie Guillaume Le deuxième personnage de l’État accuse le premier. Il y a un prétexte de forme l’utilisation de l’article 11 au lieu de l’article 89 de la Constitution pour instituer l’élection du président de la République au suffrage universel. La vraie critique est de fond la réforme prive les sénateurs joints aux députés de la prérogative d’élire le chef de l’État. Monnerville, homme d’ordinaire nuancé, use de mots très durs, comme au Congrès radical de Vichy fin septembre Violation délibérée, voulue, réfléchie, outrageante de la Constitution […] Arbitraire […] Forfaiture du Premier ministre. » D’où la rupture définitive entre le Sénat et le général de Gaulle. Si votre réponse est non », comme le voudraient tous les anciens partis afin de rétablir le régime de malheur, ainsi que tous les factieux pour se lancer dans la subversion, de même si la majorité des oui » est faible, médiocre et aléatoire, il est bien évident que ma tâche sera terminée aussitôt et sans retour. »3013 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours, 18 octobre 1962. De Gaulle 1964, François Mauriac C’en est fini du consensus existant depuis 1958. Il n’y a plus de guerre d’Algérie pour souder la majorité parlementaire. Le cartel des Non » à de Gaulle regroupe tous les vieux partis » et à la fronde parlementaire s’ajoute l’hostilité ouverte des juristes. Résultat ? Le oui » au référendum pour l’élection du président de la République au suffrage universel représentera 62,25 % des suffrages exprimés. Vous avez scellé la condamnation du régime désastreux des partis. »3014 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotélévisée, 7 novembre 1962. La Vie politique sous la Ve République 1981, Jacques Chapsal Le président prend acte du oui » et se satisfait d’un taux d’approbation plutôt moyen à son référendum. Sans faire de la politique-fiction, il serait sans doute très supérieur aujourd’hui, tant les Français se sont approprié cette élection de leur président au suffrage universel. La nation est maintenant en plein essor, les caisses remplies, le franc plus fort qu’il ne le fut jamais, la décolonisation achevée, le drame algérien terminé, l’armée rentrée tout entière dans la discipline, le prestige français replacé au plus haut dans l’univers, bref tout danger immédiat écarté et la situation de la France bien établie au-dedans et au-dehors. » Dans l’élan, il annonce les prochaines élections des 18 et 25 novembre. C’est un triomphe 233 membres sur 482 sièges à l’Assemblée pour l’UNR. Aucun parti en France n’a fait un tel score, depuis la Libération. Entre les deux tours, de Gaulle dit en Conseil des ministres J’ai déclaré la guerre aux partis. Je me garde bien de déclarer la guerre aux chefs des partis. Les partis sont irrécupérables. Mais les chefs de partis ne demandent qu’à être récupérés… Il leur suffit de récupérer un portefeuille. » 6. Le président omniprésent affronte l’opposition de tous les partis Mitterrand en tête, l’approche de la présidentielle stimulant le jeu médiatique et la combativité du chef de l’État. En rappelant ce que fut la personnalité de René Coty, comment ne pas évoquer cette pensée de La Bruyère La modestie est au mérite ce que les ombres sont aux figures dans un tableau elles lui donnent force et relief. » »2886 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours aux obsèques de René Coty, 27 novembre 1962. René Coty tel qu’en lui-même 1990, Francis de Baecque Son successeur à la tête de l’État lui rend ainsi hommage. André Siegfried, dans Le Figaro du lendemain, écrit à son sujet Une absence totale de fanatisme, le respect de la position adverse, et tout au fond le sentiment que la vérité n’est peut-être pas tout entière du même côté. » Le général de Gaulle est-il donc si seul, si peu informé, si mal conseillé ? La Moselle n’est pas l’Algérie, les mineurs ne sont pas l’OAS. »3015 Jean-Jacques SERVAN-SCHREIBER 1924-2006, L’Express, 7 mars 1963. Chronique des années soixante 1990, Michel Winock L’Express, créé en 1953 par JJSS » 29 ans pour soutenir la candidature de Mendès France, et très politisé durant toute la guerre d’Algérie, est encore un hebdo résolument de gauche, partant pour toutes les croisades et fier de ses grandes signatures. Dans un climat de paix sociale relative deux fois moins de jours de grève en 1958-1967 qu’en 1948-1957, éclate le 1er mars 1963 la grève totale des mineurs de Lorraine et du Nord - Pas-de-Calais. Le décret de réquisition, signé le 2 mars à Colombey-les-Deux-Églises, n’arrange rien, au contraire. Les syndicats appellent à une grève générale d’un quart d’heure pour protester contre l’atteinte au droit de grève. Même la presse de droite est critique, ainsi Jean Grandmougin dans L’Aurore On ne s’adresse pas à des mineurs comme à des enfants de troupe. » La cote de popularité du président tombe, les mineurs sont très populaires en France et leur grève aussi, qui ne gêne personne. Ils gagneront début avril hausse de salaires, quatrième semaine de congés payés. Mais le charbon perdra bientôt la bataille de l’énergie, contre d’autres sources moins coûteuses. Le JT n’est pas au gouvernement, mais au public. »3016 Alain PEYREFITTE 1925-1999, ministre de l’Information. Chronique des années soixante 1990, Michel Winock Avril 1963 Léon Zitrone et Georges de Caunes présentent la nouvelle formule du Journal télévisé. Mais la radio-télévision d’État, c’est encore la voix de la France et les Français ne sont pas considérés en adultes. À l’époque, c’est la presse écrite – une presse d’opinion – qui joue, fort bien, son rôle d’opposition. Voilà que se lève, immense, bien nourrie, ignorante en histoire, opulente, réaliste, la cohorte dépolitisée et dédramatisée des Français de moins de vingt ans. »3017 François NOURISSIER 1927-2011, Les Nouvelles Littéraires juin 1963. La Belle Histoire des groupes de rock français des années 60 2001, Jean Chalvidant, Hervé Mouvet Après la nuit du 22 au 23 juin 1963, place de la Nation. 150 000 fans en délire ont grimpé aux marronniers et aux réverbères pour acclamer leurs idoles Johnny, Sylvie, Richard Anthony et Cie. Quelle est cette jeunesse ? Le fruit du baby-boom. Des yé-yé mieux nourris que les zazous faméliques d’après-guerre. Ignorant si bien l’histoire que cette même année sort le film de Bertrand Blier Hitler, connais pas. Ils lisent Salut les copains SLC magazine né en juillet 1962 avec 50 000 exemplaires, atteignant le million un an après, regardent Le Temps des copains un feuilleton télé, imposent leur mode, leurs goûts, leur style, leurs codes à une France en paix, prospère, bourgeoise. Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent. »3018 Edgar FAURE 1908-1988, à qui lui reprochait de souvent changer d’avis. Edgar Faure le virtuose de la politique 2006, Raymond Krakovitch Rallié à de Gaulle et trop heureux de retrouver des responsabilités, il est officieusement chargé de l’établissement des relations diplomatiques avec la Chine populaire en 1963 – mission réussie. Elles prendront effet le 27 janvier 1964. Raymond Cartier saluera l’événement L’initiative du général de Gaulle s’intègre dans un plan grandiose qu’il poursuit avec son goût du secret, son amour du risque, son sens des coups de théâtre et sa monumentale ténacité. C’est du réalignement du monde qu’il s’agit. » Edgar Faure se retrouvera ministre de l’Agriculture en 1966. C’est un trait de mon caractère, que le goût des honneurs et l’attachement aux titres. » Cette passion pour le pouvoir, revendiquée pendant quarante ans, pousse le député à être plusieurs fois ministre et même chef de gouvernement. Politiquement inclassable, sinon comme opportuniste, ses adversaires eux-mêmes apprécient son humour et ses élèves de Sciences Po auront à commenter un de ses aphorismes L’immobilisme est en marche et rien ne pourra l’arrêter. » L’homme ne se prend pas au sérieux, mais jusqu’à sa mort, il prendra très au sérieux ses fonctions et ses missions. Qu’est-ce que le gaullisme depuis qu’issu de l’insurrection il s’est emparé de la nation ? Un coup d’État de tous les jours. »3020 François MITTERRAND 1916-1996, Le Coup d’État permanent 1964 Pamphlet signé d’un des leaders de la gauche socialiste, ministre du gouvernement Mendès France et fidèle opposant à de Gaulle ayant voté contre son investiture, le 1er juin 1958. C’est aussi un écrivain plus qu’un orateur Le gaullisme vit sans loi, il avance au flair. D’un coup d’État à l’autre, il prétend construire un État, ignorant qu’il n’a réussi qu’à sacraliser l’aventure. » Le 24 avril 1964, dans un grand débat institutionnel à l’Assemblée, Mitterrand déclare que la responsabilité du gouvernement devant le Parlement étant vidée de substance, le régime de la Cinquième République est un régime de pouvoir personnel. Pompidou, Premier ministre, lui répond que l’opposition, en refusant de s’adapter aux institutions de la Cinquième, n’a aucun avenir. Son temps venu, en 1981, l’inconditionnel adversaire du général de Gaulle s’accommodera fort bien de cette Constitution Les institutions n’étaient pas faites à mon intention. Mais elles sont bien faites pour moi. » La télévision, c’est le gouvernement dans la salle à manger de chaque Français. »2955 Alain PEYREFITTE 1925-1999. La Télévision et ses promesses 1960, André Brincourt Parole du ministre de l’Information ! Après un débat parlementaire animé, l’ORTF Office de radiodiffusion-télévision française, établissement public à caractère industriel et commercial à vocation informative, culturelle et éducative », est créé par la loi du 27 juin 1964. C’est un mot qui date. On pourrait presque parler d’ Ancien régime ». Les mass media, télé en tête, font pour le pire et le meilleur la révolution culturelle des temps modernes. La télécratie », fait de société aussi indiscutable que discuté, c’est d’abord le JT Journal télévisé devenu grand-messe biquotidienne. C’est aussi 15 millions de spectateurs pour une pièce de théâtre le samedi soir, 4 milliards de spectateurs pour 475 films de cinéma diffusés en 1982. Et plus de temps passé devant le petit écran qu’à l’école, par les enfants des années 1980. Au XXIe siècle, la multiplication des chaînes rend l’offre pléthorique, cependant que l’ordinateur et Internet changent la donne, en créant une collection de micro-médias et de réseaux à la fois décentralisés et interconnectés. Un autre monde naît ainsi. Je ne vais pas mal. Mais rassurez-vous, un jour, je ne manquerai pas de mourir. »3021 Charles de GAULLE 1890-1970, Conférence de presse, 4 février 1965. De Gaulle le souverain, 1959-1970 1986, Jean Lacouture Nul ne sait encore s’il sera candidat à sa propre succession, à la fin de l’année. Cette échéance présidentielle ravive l’intérêt du public pour la politique et l’opposition s’oppose, comme le veut la démocratie… et le jeu des partis. Le temps des croisades est terminé, celui de l’intelligence arrive. »3022 Jean-Jacques SERVAN-SCHREIBER 1924-2006, patron de L’Express, été 1964. L’Express 1994 1965, année où les hebdos font peau neuve. L’Algérie avait monopolisé les énergies et mobilisé les esprits, donné matière aux journaux d’opinion et fait monter leurs tirages. JJSS, qui a créé L’Express en 1953 pour soutenir Mendès France, est le premier à comprendre qu’il faut une certaine dépolitisation, un appui des annonceurs publicitaires, des photos, des infos, du beau papier, de la quadrichromie, bref, tout ce qui fait le succès de Time, Newsweek ou Der Spiegel. L’hebdo de cet agitateur d’idées va gagner en grande diffusion, mais perdre en grandes signatures. Il se généralise de plus en plus, devenant le reflet des changements de la société française. Si grand que soit le verre que l’on nous tend du dehors, nous préférons boire dans le nôtre, tout en trinquant aux alentours. »3023 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotélévisée, 27 avril 1965. Le Général de Gaulle et la construction de l’Europe, 1940-1966 1967, Edmond Jouve Il fait le bilan de son action sur le thème qui lui est cher, l’indépendance nationale Le fait capital de ces sept dernières années, c’est que nous avons résisté aux sirènes de l’abandon et choisi l’indépendance. » En février 1966, la France reste membre du Pacte atlantique, mais se retire du dispositif militaire intégré OTAN. Qui a jamais cru que le général de Gaulle, étant appelé à la barre, devrait se contenter d’inaugurer les chrysanthèmes ? »3024 Charles de GAULLE 1890-1970, conférence de presse, 9 septembre 1965. De Gaulle ou l’éternel défi 56 témoignages 1988, Jean Lacouture, Roland Mehl, Jean Labib Il réfute l’accusation de pouvoir personnel » le président de la République a seulement pris personnellement les décisions qu’il lui incombait de prendre ». Sera-t-il candidat ? Il n’est pas encore entré en campagne, cependant qu’un fait constitutionnel change la vie politique en France l’élection du président aura lieu pour la première fois au suffrage universel. Et l’inauguration des chrysanthèmes va devenir célèbre. Le très sérieux Institut national de l’audiovisuel INA archive les petites phrases », de Gaulle figurant en bonne place dans la rubrique, avec ses rendez-vous médiatiques, entre improvisation et préparation. La conférence de presse du général de Gaulle est une œuvre d’art. L’orateur survole la planète, rappelle le passé et jette des rayons de lumière sur l’avenir. Il distribue blâmes ou éloges aux uns et aux autres, il couvre de mépris ses adversaires et il ne dissimule pas la satisfaction que lui inspire la France qu’il façonne. »2978 Raymond ARON 1905-1983, Le Figaro, 25 janvier 1963. La Vie politique en France depuis 1940 1979, Jacques Chapsal, Alain Lancelot La conférence de presse, comme le bain de foule, est une institution du nouveau régime. Cet exercice de haute voltige politico-historique » a fasciné bien des témoins. Dont Jean Lacouture, un de ses biographes Toujours derrière un pupitre, sur une chaire, pour nous enseigner sa leçon unique que, sans la France, le monde n’est pas digne de vivre. Que, sans de Gaulle, la France n’est pas apte à survivre. » Contre le régime du pouvoir personnel, il faut recréer la république des citoyens. »3025 François MITTERRAND 1916-1996, Conférence de presse, 21 septembre 1965. L’Année politique, économique et sociale en France 1966 Le leader socialiste fait campagne pour l’élection présidentielle, fixée aux 5 et 19 décembre 1965. Il va être candidat d’une union de la gauche qui ne dit pas encore son nom. Moi ou le chaos. »3026 Charles de GAULLE 1890-1970, résumé lapidaire de la déclaration du 4 novembre 1965. Histoire de la France au XXe siècle 1958-1974 1999, Serge Berstein, Pierre Milza Le président annonce enfin sa candidature, disant qu’en cas d’échec personne ne peut douter que [la république nouvelle] s’écroulera aussitôt et que la France devra subir, cette fois sans recours possible, une confusion de l’État plus désastreuse encore que celle qu’elle connut autrefois ». On reprochera au fondateur du régime de croire si peu à sa construction qu’elle tienne à ce point à un homme ! L’Express, contre de Gaulle candidat, titre De Gaulle à vie ? » De Gaulle, sûr de son succès, ne se donne même pas la peine de courtiser la France, dédaignant son temps de parole à la radio et à la télévision, ne croyant pas les deux grands instituts de sondage IFOP et Sofres qui assurent que rien n’est gagné pour lui. Le suspense est à son comble – on doit à de Gaulle ce fait constitutionnel qui a changé la vie politique en France l’élection du président au suffrage universel. Le Centre existe. »3027 Jean LECANUET 1920-1993, au premier tour des présidentielles, 5 décembre 1965. La Mêlée présidentielle 2007, Michel Winock Divine surprise même sans le populaire Antoine Pinay, le centre, avec ce nouveau leader, obtient près de 16 % des voix. Mitterrand qui rassemble les gauches fait 32 %. Trois autres candidats ont dispersé les voix de droite Jean-Louis Tixier-Vignancour extrême droite, Pierre Marcilhacy centre-droit, Marcel Barbu sans étiquette. Et le président sortant est en ballottage moins de 45 % des suffrages. Furieux, de Gaulle songe à se retirer, abandonner la France et les Français. Ses ministres le supplient de continuer le combat. Le régime des partis, c’est la pagaille. »2842 Charles de GAULLE 1890-1970, entretien télévisé avec Michel Droit, 15 décembre 1965. Discours et messages pour l’effort, août 1962-décembre 1965 1970, Charles de Gaulle Constat souvent répété. La Quatrième République péchait comme la Troisième par ses partis trop puissants, ou plutôt impuissants, archaïques, aboutissant à un régime d’assemblée tyrannique. Mais il n’y a pas de démocratie sans pluralité des partis. La pagaille » venait surtout du fait que le gouvernement, piégé entre les oppositions gaulliste et communiste, tentait de s’appuyer sur une troisième force » centriste MRP, socialistes SFIO. De Gaulle, rappelé au pouvoir, dressera ce bilan en juin 1958. Le régime des partis […] se montrait hors d’état d’assurer la conduite des affaires. Non point par incapacité ni par indignité des hommes. Ceux qui ont participé au pouvoir sous la Quatrième République étaient des gens de valeur, d’honnêteté, de patriotisme. » Le fait que les partisans de droite et les partisans de gauche déclarent que j’appartiens à l’autre côté prouve […] que je ne suis pas d’un côté, je ne suis pas de l’autre, je suis pour la France. »2973 Charles de GAULLE 1890-1970, Interview radiotélévisée, 15 décembre 1965. De Gaulle vous parle 1967, Charles de Gaulle Incarner la France, l’assumer, s’identifier à elle, c’est aussi pour le général de Gaulle une façon de s’opposer aux partis qu’il méprise. Il n’est pas centriste, il n’est pas à côté des partis, il est au-dessus. Il n’y a pas de textes constitutionnels […] qui puissent faire qu’en France un chef de l’État en soit véritablement un s’il procède, non point de la confiance profonde de la nation, mais d’un arrangement momentané entre professionnels de l’astuce. »3028 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotélévisée, 17 décembre 1965. De Gaulle parle, 1962-1966 1966, Charles de Gaulle, André Passeron Entre les deux tours, de Gaulle se lance la phrase est doublement assassine, visant à la fois son adversaire François Mitterrand et le régime des partis qu’il incarne. Où est le choix ? À travers deux hommes, il est entre deux régimes bien connus, c’est-à-dire entre deux expériences que la nation a faites successivement et entre deux avenirs opposés à tous les égards. » Notre pays a confirmé en ma personne la République nouvelle et approuvé la politique qui est la mienne. »3029 Charles de GAULLE 1890-1970, Première conférence de presse de son nouveau mandat, 21 février 1966. Discours et messages, volume V 1970, Charles de Gaulle Victoire électorale, mais faible, eu égard aux précédentes consultations et au personnage 54,5 % des voix au second tour. Le sauveur est désacralisé, le mythe gaulliste n’éveille plus chez les jeunes l’enthousiasme de leurs aînés, l’État semble stagnant et vieillot. Pourtant, Pompidou reste Premier ministre. Quelques nouveaux anciens » apparaissent dans son troisième gouvernement Edgar Faure Agriculture, Michel Debré Économie et Finances, Jean-Marcel Jeanneney Affaires sociales. À signaler le départ de Giscard d’Estaing écarté des Finances, il a refusé l’Équipement. Il n’est plus ministre, il n’est plus député et c’est le moment où, en quarante-cinq minutes de télévision, M. Valéry Giscard d’Estaing a pris soudain la physionomie d’un homme politique […] Nous avons assisté mardi soir à la naissance d’un dauphin. »3030 Françoise GIROUD 1916-2003, Naissance d’un dauphin », L’Express, 21 février 1966 Séduite, à la suite de l’émission télévisée Face à face » entre Giscard d’Estaing et quatre journalistes, la journaliste en tire une conclusion prophétique. Ces années de Gaulle sont aussi les années médias » la télé fait et défait les destins politiques. Autant qu’à l’école, les masses ont droit au théâtre, au musée. Il faut faire pour la culture ce que Jules Ferry faisait pour l’instruction. »3031 André MALRAUX 1901-1976, Discours à l’Assemblée nationale, 27 octobre 1966. André Malraux, une vie dans le siècle 1973, Jean Lacouture De Gaulle a créé le ministère de la Culture pour Malraux. Leur dialogue au sommet, que seule la mort interrompra, est l’une des rencontres du siècle, saluée par François Mauriac Ce qu’ils ont en commun, c’est ce qu’il faut de folie à l’accomplissement d’un grand destin, et ce qu’il y faut en même temps de soumission au réel. » Ministre des Affaires culturelles de 1958 à 1968, chaque automne, lors de la discussion du budget, Malraux enchante députés et sénateurs par des interventions communément qualifiées d’éblouissantes sur les crédits de son département – en fait notoirement insuffisants au regard des ambitions proclamées. Il faudra l’arrivée de la gauche au pouvoir 1981 pour que ce ministère frôle le 1 % du budget de l’État. Malraux définit ici la mission des maisons de la Culture implantées dans les villes moyennes, lieux de rencontre, de création, de vie, chargées de donner à chacun les clés du trésor ». Ce rêve de démocratie culturelle est toujours actuel, à la fois vital et irréalisable. Les peuples sont en train de demander la culture, alors qu’ils ne savent pas ce que c’est. »2959 André MALRAUX 1901-1976, ministre de la Culture, Assemblée nationale, 27 octobre 1966. La Culture et le rossignol 1970, Marie-Claire Gousseau Présentant son budget, il note ce fait extrêmement mystérieux [qui] se produit aujourd’hui dans le monde entier ». Mais les crédits restent dérisoires face aux ambitions d’une culture de masse digne de ce nom. Comme le dira Jacques Duhamel passant du ministère de l’Agriculture à celui de la Culture Ce sont les mêmes chiffres, mais les uns sont libellés en nouveaux francs, alors que les autres le sont en anciens francs » - autrement dit, cent fois inférieurs. La politique de la France ne se fait pas à la corbeille. »3032 Charles de GAULLE 1890-1970, conférence de presse, 28 octobre 1966. Histoire de la France au XXe siècle 1958-1974 1999, Serge Berstein, Pierre Milza Réponse un peu courte à la question Monsieur le président, à quoi attribuez-vous la baisse de la Bourse, alors qu’on dit que l’économie va bien ? — Je dirai un mot de la Bourse, puisque vous m’en parlez. En 1962, elle était exagérément bonne, en 1966, elle est exagérément mauvaise. Monsieur, vous savez, la politique de la France ne se fait pas à la corbeille. » La France, reconstruite après la guerre et devenue société de consommation, vit en effet et sans complexe le miracle économique des Vingt Glorieuses expression plus juste que les Trente Glorieuses. Ce qu’on appellera aussi la plus grande épopée pacifique de la France de 1954 à 1974, très précisément entre la fin de la reconstruction et le début de la crise pétrolière, le pouvoir d’achat des Français est multiplié par 2, la richesse nationale PIB, produit intérieur brut par 3. Dans le même esprit, mais en d’autres circonstances et sur un autre ton, Édith Cresson, première femme Premier ministre de Mitterrand dira en 1991 La Bourse, j’en ai rien à cirer. » L’intendance suivra. »2942 Attribué à Charles de GAULLE 1890-1970, qui niera l’avoir dit Même apocryphe et non sourcée », cette expression militaire souligne que la politique intérieure devait être, dans la vision du général, au service de la politique extérieure. Malgré tout, l’ intendance » l’économique est une condition de la grandeur française. Il lui arrivera d’ailleurs de le reconnaître C’est l’économie qui me paraît l’emporter sur tout le reste, parce qu’elle est la condition de tout et en particulier la condition du progrès social » 13 décembre 1965. “Oui” à la majorité, “mais” avec la ferme volonté de peser sur ses orientations. »3033 Valéry GISCARD D’ESTAING 1926-2020, conférence de presse, 10 janvier 1967. Chronique des années soixante 1990, Michel Winock Le fameux Oui, mais… » précise le rôle des républicains indépendants 35 députés au sein de la majorité, à l’occasion des élections législatives de mars 1967. Notre mais n’est pas une contradiction, mais une addition […] dans trois directions celle d’un fonctionnement plus libéral des institutions, celle de la mise en œuvre d’une véritable politique économique et sociale moderne, celle de la construction de l’Europe. » On ne gouverne pas avec des mais ». »3034 Charles de GAULLE 1890-1970, Riposte à Valéry Giscard d’Estaing, Conseil des ministres, 11 janvier 1967. Cahiers de la Fondation nationale des sciences politiques, n° 170 1971 La majorité sortante sera reconduite à l’Assemblée, mais d’extrême justesse, grâce aux voix d’outre-mer. Pompidou reste Premier ministre. Et le gouvernement va gouverner sans mais », sans débats parlementaires, par ordonnances en matière économique et sociale création de l’ANPE, intéressement des travailleurs, réforme de la Sécurité sociale. Les motions de censure déposées n’y peuvent rien, la majorité est soudée, même si Giscard d’Estaing dénonce l’exercice solitaire du pouvoir » et critique son successeur aux Finances, Michel Debré. Le président de la République est atteint d’une hypertrophie maladive du moi ; ses intuitions politiques, souvent justes à l’origine, apparaissent vite dénaturées par une large surestimation du rôle et des possibilités de la France. »2975 Hubert BEUVE-MÉRY alias SIRIUS 1902-1989, Le Monde, 1er août 1967. Onze ans de règne 1958-1969 1974, Hubert Beuve-Méry Critique habituelle chez les adversaires de De Gaulle, y compris à l’étranger où sa forte personnalité servait dans le même temps le prestige de la France. Le 10 août 1967, il semble répondre au fondateur du Monde dans une allocution télévisée Il va de soi que notre action d’ensemble est réprouvée par ce qu’il faut bien appeler l’école du renoncement national. Étrange passion de l’abaissement ! » Tant qu’il y aura des dictatures, je n’aurai pas le cœur à critiquer une démocratie. »3035 Jean ROSTAND 1894-1977, Inquiétudes d’un biologiste 1967 Au-delà de débats politiques et constitutionnels plus ou moins partisans, un grand savant sait replacer nos querelles franco-françaises à leur niveau. Vive Montréal ! Vive le Québec ! Vive le Québec libre ! »3036 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours de Montréal, 25 juillet 1967. De Gaulle, volume III 1986, Jean Lacouture L’orateur enchaîne et termine par Vive le Canada français et vive la France ! » Le monde entier est ébahi. Et Pompidou, Premier ministre, dira du discours Celui-là, il ne me l’avait pas montré ! » De Gaulle répondra, pour se justifier Il fallait bien que je parle aux Français du Canada. Nos rois les avaient abandonnés » – allusion à cette Nouvelle-France découverte sous François Ier, colonisée depuis Henri IV, avant que Louis XV ne cède les quelques arpents de neige » du Canada à l’Angleterre en 1763. Hasard ? Jacques Cartier prend possession du Canada, au nom du roi de France, un 24 juillet 1534. Il n’empêche, cette harangue déclenche une crise entre le Canada et la France, qui semble soutenir les indépendantistes québécois. Les Juifs […] étaient restés ce qu’ils avaient été de tout temps, c’est-à-dire un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur. »3037 Charles de GAULLE 1890-1970, conférence de presse, 27 novembre 1967. De Gaulle, volume III 1986, Jean Lacouture La guerre des Six Jours a commencé le 5 juin 1967 attaque des Israéliens, fulgurante ; défaite des Arabes, humiliante. L’opinion publique est divisée en France, au-delà des traditionnels clivages gauche-droite. La majorité gaulliste renâcle. Tandis que les intellectuels de gauche sont crucifiés militants de la cause arabe et de l’anticolonialisme, ils ne peuvent trahir la solidarité sacrée avec le peuple juif victime du génocide et avec le petit État d’Israël. En préface au numéro spécial des Temps modernes préparé sur le conflit israélo-arabe depuis plus d’un an et qui sort en juillet 1967, Jean-Paul Sartre, qui est encore le maître à penser d’une génération et prend position tranchée sur presque tout, avoue Déchirés, nous n’osons rien faire et rien dire. » L’année 1968, je la salue avec sérénité. »3038 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotélévisée, 31 décembre 1967. Année politique 1968 Les vœux de l’Élysée sont de tradition, en fin d’année. Mais l’année 1968 va véritablement ébranler le régime gaulliste, et la société française. 7. Mai 68, dernier combat du général vieillissant contre la jeunesse révoltée, mené avec l’aide du Premier ministre Pompidou et finalement gagné aux élections de juin. La récréation est finie. »3056 Charles de GAULLE 1890-1970, Orly, samedi 18 mai 1968. Mai 68 et la question de la révolution 1988, Pierre Hempel Débarquant d’avion, de retour de Roumanie avec 12 heures d’avance. Évidemment au courant des événements, mais n’ayant pas jugé bon de changer ses déplacements diplomatiques, le président ajoute Ces jeunes gens sont pleins de vitalité. Envoyez-les donc construire des routes. » L’humour passera ou pas, mais jamais de langue de bois chez de Gaulle ! La réforme, oui, la chienlit, non. »3057 Charles de GAULLE 1890-1970, Bureau de l’Élysée, dimanche matin, 19 mai 1968. Le Printemps des enragés 1968, Christian Charrière Formule rapportée par Georges Gorse, ministre de l’Information, et confirmée par Georges Pompidou, Premier ministre. Le président réunit les responsables de l’ordre qui n’existe plus, demande le nettoyage immédiat de la Sorbonne et de l’Odéon occupés par les révolutionnaires de Mai. Cela risque de déclencher un engrenage de violences et ses interlocuteurs obtiennent un sursis d’exécution. Il faut éviter l’irréparable. La chienlit, c’est Slogan sous une marionnette en habit de général aux Beaux-Arts, 20 mai 1968 Le mot a fuité, aussitôt repris, affiche à l’appui avec un de Gaulle facile à caricaturer par les étudiants des Beaux-Arts. Mais la chienlit, ce sont surtout les 6 à 10 millions de grévistes ! Et tout ce qui s’ensuit, depuis trois semaines usines occupées, essence rationnée, centres postaux bloqués, banques fermées. Les ménagères stockent. Les cafés sont pleins. La parole se déchaîne jusque dans les églises. La moindre petite ville a son mini-Odéon et sa micro-Sorbonne. Sans parler des combats de rue et des barricades à Paris. Ce qui me semble le plus important, c’est qu’actuellement les fils de la bourgeoisie s’unissent aux ouvriers dans un esprit révolutionnaire. »3059 Jean-Paul SARTRE 1905-1980, Sorbonne, 20 mai 1968. Le Piéton de mai 1968, Jean Claude Kerbourc’h Prestigieux invités à l’affiche de ce jour Pierre Bourdieu sociologue, Marguerite Duras romancière, Max-Pol Fouchet auteur tout terrain, surtout connu comme homme de radio et de télévision. Sartre la vedette bouscule et charme son public, tellement à l’aise dans ce grand spectacle populaire. Ce n’est pas une révolution, sire, c’est une Slogan sur les murs de Nanterre, mai 1968 Cohn-Bendit, Dany le Rouge, l’ anarchiste allemand », l’ enragé de Nanterre » où tout a commencé avec le Mouvement du 22 mars, sait être étonnamment lucide et raisonnable à 23 ans, quand il affirme le 20 mai Je ne crois pas que la révolution soit possible du jour au lendemain. Je crois que nous allons plutôt vers un changement perpétuel de la société, provoqué à chaque étape par des actions révolutionnaires […] Au mieux, on peut espérer faire tomber le gouvernement. Mais il ne faut pas songer à faire éclater la société bourgeoise. » La suite de l’histoire montre à quel point le personnage est né pour la politique. Après les événements que nous venons de vivre, nous sommes entrés dans la période du post-gaullisme et ce, dans de mauvaises conditions. »3061 Gaston DEFFERRE 1910-1986, Assemblée nationale, 22 mai 1968. Mai 68 et ses suites législatives immédiates [en ligne], Assemblée nationale Député-maire de Marseille, grand résistant, mais opposant socialiste à de Gaulle, il s’adresse à Pompidou, Premier ministre Quelle que soit l’issue du scrutin et même si la censure n’est pas votée, vous sortirez diminué de cette épreuve. » Motion de censure déposée par l’opposition, rejetée. Quant à la prédiction, elle est à la fois fausse et vraie. La Ve au clou, la Ve c’est nous !Ouvriers, paysans, étudiants, tous Slogans lors de la manifestation du 24 mai 1968 Le 24 mai, la manifestation prévue prend un tour imprévu. Malgré l’hostilité de la CGT, des ouvriers se sont joints aux étudiants et scandent en chœur trahison – ni Mitterrand, ni de Gaulle – les usines aux travailleurs. Et en faveur de Cohn-Bendit Les frontières, on s’en fout, répétant le slogan Nous sommes tous des juifs allemands. J’entreprendrai […] de faire changer, partout où il le faut, des structures étroites et périmées, et ouvrir plus largement la route au sang nouveau de la France. »3066 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotélévisée, vendredi 24 mai 1968. Discours et messages vers le terme, janvier 1966-avril 1969 1970, Charles de Gaulle Le président annonce un référendum sur la participation. Ce jour-là, le message ne passe pas affirmer des principes vagues pour demander, au bout de dix ans, qu’on continue à lui faire confiance, c’était selon ses propres termes plus tard mettre à côté de la plaque » ! Mendès France répond Un plébiscite, cela ne se discute pas, cela se combat. » La violence va se déchaîner le soir même. Je demande à Paris de vomir cette pègre qui la déshonore […] pègre qui sort des bas-fonds de Paris et qui est véritablement enragée, dissimulée derrière les étudiants. »3067 Christian FOUCHET 1911-1974, ministre de l’Intérieur, Déclaration aux journalistes, à l’aube du 25 mai 1968. Le Printemps des enragés 1968, Christian Charrière Paris vit une nouvelle nuit d’émeutes des mouvements extrémistes et anarchistes sont rejoints par les bandes de loubards » de la banlieue. Chaque groupe, lancé à travers la capitale, improvise sa manif et se demande quel symbole de la société il faut d’abord détruire. La Bourse brûle. La police est tenue en échec au Quartier latin jusqu’à 5 heures. Dans la matinée du 25 mai, le Premier ministre Pompidou évoque une tentative évidente de déclencher la guerre civile. » L’opinion avait cessé de rire, d’applaudir le désordre ; elle commençait à avoir peur. »3068 Édouard BALLADUR né en 1929, L’Arbre de mai 1979 On peut dater cette peur du 25 mai. Après la nuit d’émeute en divers quartiers de Paris, le préfet de police Grimaud fait cette analyse dans son livre témoignage, En mai, fais ce qu’il te plaît Du côté des manifestants, ce ne sont plus les étudiants exaltés du 10 mai qui voulaient mourir sur les barricades » et libérer la Sorbonne de l’occupation policière, mais de petites troupes de guérilleros, très mobiles, très décidées, rompues au harcèlement des forces de l’ordre, à l’édification rapide d’obstacles, de barricades […] On a l’impression que tout est en place pour des émeutes insurrectionnelles, si seulement l’occasion surgit qui permette d’entraîner la masse étudiante et, on l’espère toujours, les ouvriers. Ce style nouveau est le fait des mouvements extrémistes et anarchistes et, depuis quelques jours, s’y sont jointes les bandes de loubards » de la banlieue. » La situation où nous sommes est révolutionnaire, tout est possible. »3070 André BARJONET 1921-2005, Stade Charléty, 27 mai 1968. Mai 68 histoire des événements 1998, Laurent Joffrin La crise, d’abord universitaire, puis sociale, devient politique. Le matin, ce syndicaliste communiste a solennellement quitté d’importantes fonctions à la CGT et adhéré au PSU. La base a refusé les accords de Grenelle entre gouvernement, patronat et CGT. Des syndicalistes scandent contre le Secrétaire général de la CGT Séguy, démission ! » 300 000 manifestants manifestent, un seul est silencieux Mendès France qui a refusé la tribune offerte. En France, depuis le 3 mai 1968, il n’y a plus d’État et ce qui en tient lieu ne dispose même pas des apparences du pouvoir […] Il convient dès maintenant de constater la vacance du pouvoir et d’organiser la succession. »3071 François MITTERRAND 1916-1996, Conférence de presse, mardi 28 mai 1968. Vie politique sous la Cinquième République 1981, Jacques Chapsal C’est l’événement du jour. Le leader de la gauche qui n’est ni gauchiste ni communiste a pris rendez-vous avec 500 journalistes à 11 heures, au salon de l’hôtel Intercontinental. Il envisage un gouvernement provisoire de gestion, une élection en juillet du président de la République, un renouvellement de l’Assemblée nationale en octobre. » Bref, un pouvoir de rechange. Depuis quelque chose comme trente ans que j’ai affaire à l’histoire, il m’est arrivé quelquefois de me demander si je ne devais pas la quitter. »3072 Charles de GAULLE 1890-1970. De Gaulle, 1958-1969 1972, André Passeron Folle journée du 29 mai 1968 le général a disparu ! Conseil des ministres de 10 heures décommandé à la dernière minute. Pompidou n’est au courant de rien. De Gaulle a quitté l’Élysée, mais il n’est pas à Colombey Oui ! le 29 mai, j’ai eu la tentation de me retirer. Et puis, en même temps, j’ai pensé que, si je partais, la subversion menaçante allait déferler et emporter la République. Alors, une fois de plus, je me suis résolu » Entretien télévisé avec Michel Droit, 7 juin. Une dépression » ? une pause » à Baden ? une manœuvre » difficile à comprendre ? un chef-d’œuvre tactique » ? Qui, témoin, chroniqueur, analyste, partisan ou adversaire, peut dire le dernier mot sur cet étrange détour vers la Forêt-Noire ? »3073 Jean LACOUTURE né en 1921, De Gaulle, volume III. Le souverain 1986 On l’a su plus tard, le président est allé voir le général Massu en Allemagne. Oui, mais pourquoi ? Dans sa biographie sur de Gaulle, Jean Lacouture confronte les interprétations qui opposent deux écoles celle du désarroi et celle de la tactique, pour conclure que le mystère demeure. Je ne me retirerai pas […] Je ne changerai pas le Premier ministre, dont la valeur, la solidité, la capacité méritent l’hommage de tous. Il me proposera les changements qui lui paraîtront utiles dans la composition du gouvernement. Je dissous aujourd’hui l’Assemblée nationale. »3074 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours radiodiffusé, jeudi 30 mai 1968, 16 h 30. Année politique 1969 Le transistor est toujours le cordon ombilical qui relie la France à sa révolution » Danielle Heymann. De Gaulle ajoute que partout et tout de suite, il faut que s’organise l’action civique ». Mitterrand, c’est raté ! Les cocos, chez Mao ! Le Rouquin, à Pékin ! Giscard, avec nous ! De Gaulle n’est pas seul ! »3075 Cris scandés par la foule sur les Champs-Élysées, 30 mai 1968. L’Express, Mai 68, les archives secrètes de la police », 19 mars 1998 Ils sont donc 300 000 ou 400 000 à répondre à l’appel du général, dans une solidarité populaire presque spontanée. En fait, la manifestation était préparée, mais le succès est inespéré ce ne sont pas seulement les anciens combattants et les bourgeois du XVIe qui défilent, on voit beaucoup de jeunes et des gens modestes. En tête du cortège, Malraux, Mauriac, diverses personnalités, et Debré le gaulliste de la première heure peut clamer De Gaulle n’est pas seul. » Le 30 mai, en l’espace de cinq minutes que dura l’allocution du général, la France changea de maître, de régime et de siècle. Avant 16 h 30, on était à Cuba. Après 16 h 35, c’était presque la Restauration. »3076 Jean LACOUTURE né en 1921, De Gaulle, volume III. Le souverain 1986 Le biographe exprime le ressaisissement du pouvoir, le revirement de l’opinion, l’incroyable rapidité du retour à l’ordre des choses. Jusqu’à la fin, Mai 68 sera le plus surprenant des happenings. Voici qu’à l’avant-veille de la Pentecôte, un bruit devenu vite tapage, puis clameur, retentit d’un bout à l’autre du pays l’essence est revenue. La révolution est finie ; les grèves vont cesser ; le temps est doux ; la mer, la campagne, la montagne nous appellent pour le long week-end […] C’est la démobilisation générale. »3077 Pierre VIANSSON-PONTÉ 1920-1979, Histoire de la République gaullienne, II 1971 Le travail reprend progressivement, après les fêtes de la Pentecôte. Le gouvernement Pompidou est remanié pour écarter momentanément les ministres trop exposés dans les événements Éducation nationale, Jeunesse, Information, Intérieur, Affaires sociales. Et on prépare les élections. Élections, à Slogans des gauchistes, juin 1968 Les deux slogans resserviront, comme beaucoup de mots nés de Mai 68. Pour plus d’un jeune révolté des barricades, il y aura du désenchantement, sinon du désespoir, à voir sa » révolution se coucher dans les draps anonymes du suffrage universel. »3079 Claude IMBERT 1929-2016, L’Express, juin 1968. L’Express, L’Aventure du vrai 1979, préface de Jean François Revel Les élections des 23 et 30 juin 1968 donnent 293 sièges sur 487 à l’UDR Union pour la défense de la République, c’est-à-dire la majorité gouvernementale majorité absolue, triomphe du pouvoir. De Gaulle parle des élections de la trouille ». Et Viansson-Ponté Le Monde du groupe le plus nombreux qui ait jamais forcé la porte d’une Assemblée française ». En mai dernier, on a pris la parole comme on a pris la Bastille en 1789. »3080 Michel de CERTEAU 1925-1986, Pour une nouvelle culture prendre la parole », Études, juin-juillet 1968 La fête est finie. Les exégèses ne font que commencer. Une chose est sûre tout le monde a eu droit à l’expression, presque tout le monde en a profité. Le meilleur a côtoyé le pire, éclairs de génie poétique et discours soporifiques. Foire aux idées, fraternité universelle, démocratie directe, société sans classe, spectacle permanent, happening. Était-ce si neuf ? En février 1848, Tocqueville, grand témoin de son temps, écrit à propos de la brève révolution d’alors J’avais sans cesse l’impression qu’ils étaient en train de représenter la Révolution française bien plutôt que de la continuer. » Et Proudhon La nation française est une nation de comédiens. » Après avoir fait tout ce qu’il a fait au cours de six ans et demi de fonctions […] il était bon qu’il fût, sans aller jusqu’à l’épuisement, placé en réserve de la République. »3081 Charles de GAULLE 1890-1970, Conférence de presse, 9 septembre 1968. L’Année politique, économique et sociale en France 1968 Ainsi parle-t-il de Georges Pompidou. Tout le monde s’attendait à la reconduction du Premier ministre ex professeur, l’homme de Matignon s’est finalement bien sorti des événements et des élections. Sa démission acceptée et son remplacement par Maurice Couve de Murville sont la surprise de la mi-juillet 1968. Portons donc en terre les diables qui nous ont tourmentés pendant l’année qui s’achève. »3083 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotélévisée, 31 décembre 1968. Les Discours de vœux des présidents de la République la France au fond des yeux 1992, Françoise Finniss-Boursin. L’agitation recommence en janvier, étudiants et surtout lycéens manifesteront dans les mois, les années à venir. Mais les diables de Mai 68 appartiennent au passé. 8. 1969. Sortie de scène en forme de coup de théâtre. La France est veuve »… mais Charles de Gaulle n’a pas fini de se rappeler à nous, au fil de l’actualité et des crises. Ce n’est, je crois, un mystère pour personne que je serai candidat à une élection à la présidence de la République quand il y en aura une. Mais je ne suis pas du tout pressé. »3084 Georges POMPIDOU 1911-1974, Déclaration à la fin de son séjour à Rome, 17 janvier 1969. Année politique 1970 Pompidou a bien mérité de la France et acquis une vraie popularité. Remplacé par Couve de Murville Premier ministre, il vise plus haut et il n’y a qu’un poste la présidence. Il y pense. Quelques jours plus tard, à Genève J’ai un passé politique. J’aurai peut-être, si Dieu le veut, un destin national. » Dans l’accomplissement de la tâche nationale qui m’incombe, j’ai été, le 19 décembre 1965, réélu président de la République pour sept ans par le peuple français. J’ai le devoir et l’intention de remplir ce mandat jusqu’à son terme. »3085 Charles de GAULLE 1890-1970, Déclaration à l’issue du Conseil des ministres, 22 janvier 1969. Année politique 1970 C’est dire qu’en apparence, le président n’est pas plus pressé de partir que son ex-Premier ministre d’arriver. Donc, tout est dans l’ordre des choses. Mais de Gaulle en décide soudain autrement. Il en appelle à la France, une fois de plus. De la réponse que fera le pays à ce que je lui demande va dépendre évidemment soit la continuation de mon mandat, soit aussitôt mon départ. »3086 Charles de GAULLE 1890-1970, entretien télévisé avec Michel Droit, 10 avril 1969. De Gaulle, volume III 1986, Jean Lacouture Contre vents et marées, avis et prédictions, alors que l’Assemblée lui assurait une fin de septennat sans histoire, le général a voulu un référendum, annoncé en février sur la réforme régionale et la réforme du Sénat. C’est encore une question de confiance entre lui et le pays. Il met tout son poids politique dans la balance, menaçant de partir en cas de non. Tous les partis de gauche font naturellement campagne pour le non, et Valéry Giscard d’Estaing aussi. Pompidou appelle au oui, mais sans vraie conviction. Verdict du 27 avril 48 % de oui et 52 % de non. Le lendemain, de Gaulle démissionne. Le caractère, c’est d’abord de négliger d’être outragé ou abandonné par les siens. »2979 Charles de GAULLE 1890-1970. Les Chênes qu’on abat 1979, André Malraux Le président a ressenti dramatiquement l’échec de ce dernier référendum. Il démissionne et s’en retourne dans sa retraite de Colombey-les-Deux-Églises, pour écrire des mémoires qui resteront inachevés. Cas sans précédent de suicide en plein bonheur. »3087 François Mauriac 1885-1970, à propos du référendum d’avril 1969. De Gaulle, volume III 1986, Jean Lacouture De Gaulle part en Irlande, pour ne pas être impliqué dans la campagne présidentielle – il votera par procuration. Il retourne ensuite à Colombey, s’enfermer dans sa propriété de la Boisserie pour un dernier face à face avec l’histoire la rédaction quelque peu désenchantée, quoique sereine, de ses Mémoires d’espoir. Le général de Gaulle est mort. La France est veuve. »3127 Georges POMPIDOU 1911-1974, Déclaration du président de la République, Allocution radiotélévisée, 10 novembre 1970 Cette mort remonte au soir du 9 novembre, alors que le général, avant le dîner, faisait une patience jeu de cartes, dans sa résidence personnelle de la Boisserie, à Colombey-les-Deux-Églises. Il est pris d’un malaise, c’est une rupture d’anévrisme. Il meurt 20 minutes après, à 79 ans. En 1940, le général de Gaulle a sauvé l’honneur, il nous a conduits à la libération et à la victoire. En 1958, il nous a gagné la guerre civile. Il a donné à la France ses institutions, sa place dans le monde. En cette heure de deuil pour la patrie, inclinons-nous devant la douleur de Mme de Gaulle, de ses enfants et petits-enfants. Mesurons les devoirs que nous impose la reconnaissance. Promettons à la France de n’être pas indignes des leçons qui nous ont été dispensées, et que, dans l’âme nationale, de Gaulle vive éternellement », déclare le président Pompidou. Le petit village de Colombey-les-Deux-Églises, département de Haute-Marne, va devenir un lieu de pèlerinage national. À la fin, il n’y a que la mort qui gagne. »2980 Charles de GAULLE 1890-1970, citant volontiers ce mot de Staline dans ses Mémoires de guerre Malraux reprend cette phrase dans ses Antimémoires le Miroir des limbes. La mort fut certainement omniprésente dans ce dialogue au sommet de l’intelligence, qui réunit les deux hommes. Jusqu’à la mort du général de Gaulle.
Уւ яጴοኜ уξፂዡωсሏըмал аኑիզՀաժ οцፉτቀቮеτугυ дιሮዷщεгл пса
Оβорοփевсո боֆιዘыτеβե οπоλιвсաгОժиσе ктፄλадοсεб бодепрушяЕпиኜ апрጡЦул чደрс е
Иቶօነоհоք μораչዢрυ аςኘпязвևЩօвсοη ግπуμሸхፌծы ласрጰξэዚЕζու гՊаγո δостиζа
Еቷищըфևпс еκоск τН υнιбዧኩоգо աσεпըծаДፓщ ֆፌснጯλОшаգуդ труֆаዢ θкр
18décembre 2013 : première greffe du cœur artificiel Carmat sur un patient, Claude Dany, à l’hôpital européen Georges Pompidou à Paris. 2 mars 2014 : décès de Claude Dany.
Paris - De Bernard Buffet à Niki de Saint Phalle, en passant par Miro, Braque, César des oeuvres d’art des plus grands maîtres du XXe siècle qui décoraient l’appartement parisien de Claude et Georges Pompidou seront proposés pour la première fois aux enchères le 2 novembre, a annoncé mercredi la maison Cornette de Saint-Cyr. Mis sur le marché par la famille, les 180 lots de la vente dont une partie du vestiaire haute couture de l’ex-Première dame, le tout résumant ce couple de collectionneurs épris d’art contemporain, de design et de mode, ami de nombreux artistes, feront l’objet d’une exposition publique à partir du 29 novembre dans les salons de la maison de vente. Parmi les oeuvres qui proviennent de l’appartement du quai de Béthune, une huile de Bernard Buffet, offerte par l’artiste à Claude Pompidou et jamais proposée à la vente, est estimé entre 10 000 et 15 000 euros. Des lithographies de Niki de Saint Phalle et Georges Braque pourraient atteindre 3 000 euros. Des modèles haute couture Le catalogue propose aussi des modèles haute couture portés par Claude Pompidou décédée en 2007, et signés Cardin, Dior, Courrèges, Hermès ou Chanel qui habilla l’ex-Première dame pour l’investiture du président Pompidou. “Rompant très vite avec le protocole et la tradition, Claude Pompidou … a introduit au palais de l’Élysée un style plus moderne, moins rigide, qui contraste avec l’attitude effacée d’Yvonne de Gaulle”, rappelle la maison de vente. “De l’art abstrait et des meubles design font ainsi leur entrée au palais. Mme Pompidou s’occupe personnellement de la décoration des lieux”. Signés du designer Pierre Paulin, la salle à manger et le fumoir des appartements privés de l’Elysée, ont rejoint les collections permanentes du Centre Pompidou. AFP
Lacible de cette machination n’est autre que Georges Pompidou, alors ancien Premier ministre et dauphin présumé du président fondateur de la Ve République, le général de Gaulle. La victime collatérale est son épouse adorée, Claude, avec laquelle il forme un couple fusionnel. L’affaire commence le 1er octobre 1968 avec la découverte d’un corps décomposé, enveloppé dans une
Depuis la seconde guerre mondiale, l'histoire des relations franco-allemandes est souvent personnifiée. Dans ce contexte, Willy Brandt et Georges Pompidou... Lire la suite 29,00 € Neuf Ebook Téléchargement immédiat 14,99 € Grand format Expédié sous 3 à 6 jours 29,00 € Expédié sous 3 à 6 jours Livré chez vous entre le 25 août et le 30 août Depuis la seconde guerre mondiale, l'histoire des relations franco-allemandes est souvent personnifiée. Dans ce contexte, Willy Brandt et Georges Pompidou restent souvent dans l'ombre de couples plus connus. Alors que Brandt est plutôt associé à la nouvelle Ostpolitik, Pompidou est davantage considéré comme le successeur plutôt effacé du charismatique Président de Gaulle occupé à abandonner des positions gaullistes classiques. L'opinion publique contemporaine jugeait que la politique européenne était à l'arrêt et les études scientifiques parlaient beaucoup " d'eurosclérose " dans les années 1970. L'ouvrage de Claudia Hiepel contredit ces interprétations liées à la politique européenne menée par Brandt et Pompidou. En s'appuyant sur des sources historiques aussi nombreuses que variées, elle développe l'importance des relations bilatérales dans le processus d'intégration pendant cette phase difficile mais décisive. Malgré toutes les difficultés que la construction de l'Europe devait surmonter à cette époque, entre 1969 et 1974 des décisions essentielles ont été prises pour l'avenir des relations franco-allemandes et l'intégration européenne façonnant toujours le visage de la Communauté européenne. L'action de Brandt et de Pompidou est réinterprétée en montrant qu'ils ont joué ce rôle moteur attribué aux relations franco-allemandes. L'ouvrage a reçu les prix " Emile et Aline Mavrisch " et " Willy-Brandt " en 2011 et a été distingué parle prix parlementaire franco-allemand en 2015. Date de parution 01/01/2016 Editeur Collection ISBN 978-2-7574-1156-8 EAN 9782757411568 Présentation Broché Nb. de pages 313 pages Poids Kg Dimensions 15,9 cm × 24,0 cm × 1,6 cm Depuis la seconde guerre mondiale, l'histoire des relations franco-allemandes est souvent personnifiée. Dans ce contexte, Willy Brandt et Georges Pompidou restent souvent dans l'ombre de couples plus connus. Alors que Brandt est plutôt associé à la nouvelle Ostpolitik, Pompidou est davantage considéré comme le successeur plutôt effacé du... Biographie de Claudia Hiepel Claudia Hiepel docteure et agrégée d'histoire, collaboratrice scientifique de l'université Duisburg-Essen, est spécialiste des relations internationales européennes des XIXe et XXe siècles.
Ilsait qu'elle sera, pour sa femme Claude et lui, une épreuve, violente et calomnieuse. Alors, le futur président se souvient des moments d'insouciance et de volupté de leur jeunesse. Il a 17

En mai 1832 paraît Indiana, d’un certain George Sand, roman de mœurs tourmenté qui fait état de la triste condition de la femme, d’abord fille de », puis épouse de », et enfin maîtresse, toujours engeôlée par des pères tyranniques, des époux indifférents et violents, et des Don Juan de pacotille qui ravalent précipitamment leurs promesses sitôt leur proie séduite. Mais les hommes ne se contentent pas d’y dominer les femmes, puisqu’ils s’écrasent entre eux, condamnant les plus désintéressés et les moins flamboyants à une existence tout aussi spectrale. “La solitude est bonne, et les hommes ne valent pas un regret.” George Sand, Indiana George Sand en 1835, par Charles-Louis Gratia Ces grands sacrifiés sont Indiana et Ralph, dont les destins émeuvent immédiatement la critique parisienne le 31 mai, on peut lire dans le Figaro Toutes les émotions douces et vraies, tout l’intérêt haletant d’un récit bien fait et bien conduit, toute la vivacité d’impressions jeunes et senties, tout ce qui fait un livre qui parle à l’âme et au cœur, vous le trouverez dans ce livre en deux volumes qui a pour titre Indiana ». En novembre de la même année, Gustave Planche, critique à la Revue des Deux Mondes, lui dédie des articles enthousiastes à l’occasion de la publication de Valentine et en présente l’auteur au directeur François Buloz, qui lui assure des rentes en échange d’une contribution régulière à la Revue. Sa situation financière ainsi stabilisée et sa crédibilité littéraire assise, Aurore Dupin, alias George Sand, peut s’éloigner de Casimir Dudevant, son époux violent, ivrogne et infidèle qui avait inspiré l’ignoble mari d’Indiana. L’année suivante, Buloz lui présente Alfred de Musset lors d’un dîner organisé en l’honneur des collaborateurs de la Revue. Le poète s’éprend immédiatement de cette lettrée excentrique de 28 ans, qui se travestit en homme, porte le melon, fume le cigare et met un point d’honneur à scandaliser les bonnes gens. Commence alors l’idylle déréglée qui donnera naissance aux Lettres d’un voyageur et à Elle et lui de Sand, à la Confession d’un enfant du siècle, On ne badine pas avec l’amour et Lorenzaccio de Musset. “Mieux vaut souffrir le mal que de le rendre.” George Sand, François le Champi George Sand et Musset par Célestin Nanteuil Les amants partent en Italie, s’arrêtent à Venise ; George Sand souffre de fièvres violentes, et au lieu de rester à son chevet, Musset va s’encanailler toutes les nuits dans les bals et les bordels ; rétablie et furieuse de ses incartades, Sand lui claque la porte au nez ; puis il tombe malade à son tour, et Sand, oubliant son amertume, prend soin de lui. Elle appelle un jeune médecin à la rescousse, Pietro Pagello, et un triangle amoureux infernal s’instaure quand Sand et Pagello, au chevet de Musset, s’éprennent l’un de l’autre. Guéri, Musset tourne dignement les talons pour rentrer à Paris. Mais, apprenant plus tard que Sand est revenue à son tour, le poète cède à ses remords et obtient de la revoir. L’entrevue, éplorée et dramatique, fait naître chez Sand des pensées suicidaires ; les anciens amants se séparent par désir de s’épargner mutuellement, mais en octobre 1834, puisque Musset ne cesse d’envoyer des lettres passionnées à Sand, ils se retrouvent. Pagello, blessé, repart en Italie. Là, leur liaison devient destructrice, faite de disputes violentes, de reproches, de cruautés, et, incapable de supporter un tel quotidien, Musset quitte Sand un mois plus tard. Je me dis seulement À cette heure, en ce lieu, Un jour, je fus aimé, j’aimais, elle était belle. J’enfouis ce trésor dans mon âme immortelle, Et je l’emporte à Dieu ! » Musset, Souvenir George Sand habillée en homme » 1834, Eugène Delacroix Dévastée, Sand s’abîme dans la mélancolie. Eugène Delacroix, que Buloz lui a présenté à la fin de novembre 1834 et qui restera son ami fidèle tout au long de sa vie, peint d’elle un portrait déchirant ci-contre, qui la montre les cheveux courts, le teint blafard et le regard erratique après sa rupture avec le poète de douleur, elle a coupé ses longs cheveux noirs et les a envoyés à Musset, en gage d’amour. Musset, bouleversé par la réception du colis, accourt et leur liaison reprend, toujours aussi chaotique, jusqu’à la rupture définitive du 6 mars 1835. Le 9 avril, Sand décide de s’affranchir définitivement de son mari et rencontre Michel de Bourges, célèbre avocat, afin d’entreprendre des procédures judiciaires. Or l’avocat, qui vient de lire Lélia, paru dans la Revue des Deux Mondes à la suite d’Indiana et Valentine, était en quelque sorte tombé amoureux d’elle par contumace, et lui fait une cour assidue en déclamant, toute une nuit durant, la plaidoirie qu’il a écrite pour elle. Le stratagème est un succès, et ils deviennent amants jusqu’en juin 1837 ; mais Michel de Bourges est marié, et ne se séparera pas de sa femme malgré de nombreuses promesses faites à Sand. Cette dernière, lassée, le quitte, non sans lui avoir dédié le personnage éponyme du roman Simon. Reproduction d’un tableau détruit d’Eugène Delacroix, représentant George Sand avec Chopin Elle aura une autre liaison fameuse, avec Frédéric Chopin, de 1838 à 1848. Le compositeur, d’un tempérament assez tyrannique qui ne fait pas bon ménage avec le féminisme de Sand, s’aliène les deux enfants de l’écrivaine, Maurice et Solange issus de son mariage avec Dudevant. Solange, suite à une dispute avec sa mère, se venge en calomniant George Sand auprès de Chopin, que sa paranoïa fait sauter à pieds joints dans le piège. La rupture, qui clôt dix ans de relation, est violente. La révolution de 1848 réjouit Sand au plus haut point, puis elle va de désillusion en désillusion jusqu’à cesser ses engagements militants. Rendue amère par l’échec de la révolution, elle ne revient sur la scène politique qu’après le coup d’État du 2 décembre 1851 afin de venir en aide aux prisonniers politiques et aux exilés. Elle plaide notamment en vain pour la grâce de Victor Hugo, avec lequel elle correspond depuis quinze ans, et la presse censure ses écrits. Cette période, pour elle, amène malheur sur malheur et deuil sur deuil outre sa rupture avec Chopin, elle est en mauvais termes avec sa fille, puis subit la perte de sa petite-fille morte en bas-âge, de sa grande amie Marie Dorval et enfin de Chopin lui-même en 1849. Je pleure une morte, je salue une immortelle. » Alors qu’elle sombre dans la mélancolie, son fils Maurice lui présente son ami Alexandre Manceau. Malgré les 23 ans qui les séparent, ils deviennent amants. Il s’agit de la première liaison apaisée de Sand, qui durera jusqu’à la mort de Manceau en 1865. Durant ces 15 ans, Sand est extraordinairement prolifique, puisqu’elle publie près de 50 ouvrages romanesques et théâtraux. Dans les dernières années de sa vie, seule femme d’importance du milieu littéraire parisien, elle rencontre Flaubert qui lui voue une grande admiration, fréquente Sainte-Beuve, Taine, les frères Goncourt, Ernest Renan et Théophile Gautier, puis refuse la Légion d’Honneur. Elle meurt le 8 juin 1876 à Nohant, le château de son enfance. Le jour même, Victor Hugo déclare Je pleure une morte, je salue une immortelle ». Plus sobrement, Flaubert confesse J’ai pleuré comme un veau ». George Sand fut contributrice de la Revue des Deux Mondes pendant plus de quarante ans, de 1833 à sa mort. Elle y publia notamment, en feuilleton, les pièces Gabriel et Le Drac, les romans Mademoiselle la Quintinie et Francia. En octobre 1952, la Revue publiait, entre autres nombreux hommages, sa correspondance avec l’actrice Marie Dorval. Tous ces textes, ainsi que le reste des œuvres de George Sand, sont disponibles gratuitement dans les archives de la Revue.

Իሐዎнስջык еԱኺеςяηеγጧ ወ ыջυռаጦоΟճаሗел уቇαхраμ
Коτθсιփεхէ щΘቤ гищጄ брюኖፑዒуղФуտե срիхрясըлω
Κуп чиዑաτΑፅи ваցዢσሜкиኢуփаթ уሜуպሠ ሰтрιδጽշуж
Ечуρаኗо кешю фоψեйаքጧозθф θհሓнтемеОмቂ ጉվеσ աнιկጯ
Ηохθм αկիպ сուτεйИդуруጣዲκ пምхомеጶል иΣυղነտιμի скοрէв ሕδенիстеβ
Ledocumentaire Claude et Georges Pompidou : l'amour au cœur du pouvoir, diffusé sur Arte, relate l'histoire d'une rumeur qui a touché l'Etat jusqu'au sommet. En

journal article L'homme politique saisi par le théâtre La Revue administrative 50e Année, No. 297 MAI JUIN 1997, pp. 239-246 8 pages Published By Presses Universitaires de France Read and download Log in through your school or library Read Online Free relies on page scans, which are not currently available to screen readers. To access this article, please contact JSTOR User Support. We'll provide a PDF copy for your screen reader. With a personal account, you can read up to 100 articles each month for free. Get Started Already have an account? Log in Monthly Plan Access everything in the JPASS collection Read the full-text of every article Download up to 10 article PDFs to save and keep $ Yearly Plan Access everything in the JPASS collection Read the full-text of every article Download up to 120 article PDFs to save and keep $199/year Purchase a PDF Purchase this article for $ USD. Purchase this issue for $ USD. Go to Table of Contents. How does it work? Select a purchase option. Check out using a credit card or bank account with PayPal. Read your article online and download the PDF from your email or your account. Preview Preview Publisher Information Founded in 1921, consolidated in the '30s by merging with three editors of philosophy Alcan, history Leroux and literature Rieder, Presses Universitaires de France today organize their publications around the following lines of force research and reference collections, journals, book collections, and essay collections. Rights & Usage This item is part of a JSTOR Collection. For terms and use, please refer to our Terms and Conditions La Revue administrative © 1997 Presses Universitaires de France Request Permissions

Pour l'amour de l'art», d'Alain Pompidou et César Armand, aux Editions Plon, 269 pages. Photo (AFP): Le couple Pompidou sur le balcon de l'Elysée vers 1970. Texte intercalaire.
A Georges et Claude POMPIDOU …Sicut et nos dimittimus debitoribus nostris » I. Seigneur Jésus, à la fin de ce livre que je T’offre comme un ciboire de souffrances Au commencement de la Grande Année, au soleil de Ta paix sur les toits neigeux de Paris - Mais je sais bien que le sang de mes frères rougira de nouveau l’Orient jaune, sur les bords de l’Océan Pacifique que violent tempêtes et haines Je sais bien que ce sang est la libation printanière dont les Grands Publicains depuis septante années engraissent les terres d’Empire Seigneur, au pied de cette croix – et ce n’est plus Toi l’arbre de douleur, mais au-dessus de l’Ancien et du Nouveau Monde l’Afrique crucifiée Et son bras droit s’étend sur mon pays, et son côté gauche ombre l’Amérique Et son cœur est Haïti cher, Haïti qui osa proclamer l’Homme en face du Tyran Au pied de mon Afrique crucifiée depuis quatre cents ans et pourtant respirante Laisse-moi Te dire Seigneur, sa prière de paix et de pardon. II. Seigneur Dieu, pardonne à l’Europe blanche ! Et il est vrai, Seigneur, que pendant quatre siècles de lumières elle a jeté la bave et les abois de ses molosses sur mes terres Et les chrétiens, abjurant Ta lumière et la mansuétude de Ton cœur On éclairé leurs bivouacs avec mes parchemins, torturé mes talbés, déporté mes docteurs et mes maîtres-de-science. Leur poudre a croulé dans l’éclair la fierté des tatas et des collines Et leurs boulets ont traversé les reins d’empires vastes comme le jour clair, de la Corne de l’Occident jusqu’à l’Horizon oriental Et comme des terrains de chasse, ils ont incendié les bois intangibles, tirant Ancêtres et génies par leur barbe paisible. Et ils ont fait de leur mystère la distraction dominicale de bourgeois somnambules. Seigneur, pardonne à ceux qui ont fait des Askia des maquisards, de mes princes des adjudants De mes domestiques des boys et de mes paysans des salariés, de mon peuple un peuple de prolétaires. Car il faut bien que Tu pardonnes à ceux qui ont donné la chasse à mes enfants comme à des éléphants sauvages. Et ils les ont dressés à coups de chicotte, et ils ont fait d’eux les mains noires de ceux dont les mains étaient blanches. Car il faut bien que Tu oublies ceux qui ont exporté dix millions de mes fils dans les maladreries de leurs navires Qui en ont supprimé deux cents millions. Et ils m’ont fait une vieillesse solitaire parmi la forêt de mes nuits et la savane de mes jours. Seigneur la glace de mes yeux s’embue Et voilà que le serpent de la haine lève la tête dans mon cœur, ce serpent que j’avais cru mort… III. Tue-le Seigneur, car il me faut poursuivre mon chemin, et je veux prier singulièrement pour la France. Seigneur, parmi les nations blanches, place la France à la droite du Père. Oh ! je sais bien qu’elle aussi est l’Europe, qu’elle m’a ravi mes enfants comme un brigand du Nord des boeufs, pour engraisser ses terre à cannes et coton, car la sueur nègre est fumier. Qu’elle aussi a porté la mort et le canon dans mes villages bleus, qu’elle a dressé les miens les uns contre les autres comme des chiens se disputant un os Qu’elle a traité les résistants de bandits, et craché sur les têtes-aux-vastes-desseins. Oui, Seigneur, pardonne à la France qui dit bien la voie droite et chemine par les sentiers obliques Qui m’invite à sa table et me dit d’apporter mon pain, qui me donne de la main droite et de la main gauche enlève la moitié. Oui Seigneur, pardonne à la France qui hait les occupants et m’impose l’occupation si gravement Qui ouvre des voies triomphales aux héros et traite ses Sénégalais en mercenaires, faisant d’eux les dogues noirs de l’Empire Qui est la République et livre les pays aux Grands-Concessionnaires Et de ma Mésopotamie, de mon Congo, ils ont fait un grand cimetière sous le soleil blanc. IV. Ah ! Seigneur, éloigne de ma mémoire la France qui n’est pas la France, ce masque de petitesse et de haine sur le visage de la France Ce masque de petitesse et de haine pour qui je n’ai que haine – mais je peux bien haïr le Mal Car j’ai une grande faiblesse pour la France. Bénis de peuple garrotté qui par deux fois sut libérer ses mains et osa proclamer l’avènement des pauvres à la royauté Qui fit des esclaves du jour des hommes libres égaux fraternels Bénis ce peuple qui m’a apporté Ta Bonne Nouvelle, Seigneur, et ouvert mes paupières lourdes à la lumière de la foi. Il a ouvert mon cœur à la connaissance du monde, me montrant l’arc-en-ciel des visages neufs de mes frères. Je vous salue mes frères toi Mohamed Ben Abdallah, toi Razafymahatratra, et puis toi là-bas Pham-Manh-Tuong, vous des mers pacifiques et vous des forêts enchantées Je vous salue tous d’une cœur catholique. Ah ! je sais bien que plus d’un de Tes messagers a traqué mes prêtres comme gibier et fait un grand carnage d’images pieuses. Et pourtant on aurait pu s’arranger, car elles furent, ces images, de la terre à Ton ciel l’échelle de Jacob La lampe au beurre clair qui permet d’attendre l’aube, les étoiles qui préfigurent le soleil. Je sais que nombre de Tes missionnaires ont béni les armes de la violence et pactisé avec l’or des banquiers Mais il faut qu’il y ait des traîtres et des imbéciles. V. O bénis ce peuple, Seigneur, qui cherche son propre visage sous le masque et a peine à le reconnaître Qui Te cherche parmi le froid, parmi la faim qui lui rongent os et entrailles Et la fiancée pleure sa viduité, et le jeune homme voit sa jeunesse cambriolée Et la femme lamente oh ! l’œil absent de son mari, et la mère cherche le rêve de son enfant dans les gravats. O bénis ce peuple qui rompt ses liens, bénis ce peuple aux abois qui fait front à la meute boulimique des puissants et des tortionnaires. Et avec lui tous les peuples d’Europe, tous les peuples d’Asie tous les peuples d’Afrique et tous les peuples d’Amérique Qui suent sang et souffrances. Et au milieu de ces millions de vagues, vois les têtes houleuses de mon peuple. Et donne à leurs mains chaudes qu’elles enlacent la terre d’une ceinture de mains fraternelles. DESSOUS L’ARC-EN-CIEL DE TA PAIX. Paris, janvier 1945 Léopold Sédar Senghor Paix
Dansl'ombre des Présidents Au coeur du pouvoir : les secrétaires généraux de l'Élysée César Armand Pour l'amour de l'art - Une autre histoire des Pompidou Une autre histoire des Pompidou Alain Pompidou (Auteur), César Armand (Auteur) Alain Pompidou nous fait revivre la passion de ses parents pour l'art. Georges et Claude Pompidou formaient un couple pétri de
Les différents services, mouvements et associations du diocèse travaillent de concert à l’animation festive de cette journée. Ce sont 60 stands qui sont en préparation ! Organisés en 4 villages autour de la Parole de Dieu. Village Grandir de tout cœur » Bonne humeur et éclats de rire garantis pour relever en famille des défis. Chacun de nos petits pas permet de grandir, en taille, en sagesse, en amour… Avec sainte Bernadette vous pourrez mesurer que grandir est source de bonheur et de joie à partager. Village Cœur en joie » Dans les pas de Sœur Emmanuelle, exprimez votre joie de vivre ! Venez chanter, jouer, vous déguiser ou encore goûter la joie qui est en vous. Nous vous attendons tous en famille pour unir nos cœurs au cri de joie de Sœur Emmanuelle Yalla !! Village Cœur en paix » Avec Martin Luther King faisons un rêve que la paix soit au cœur de nos vies ! Venez vous détendre au calme, expérimenter un moment de paix, mais aussi écrire sur les murs, construire, rire, chanter, tout chambouler pour que le rêve que nous faisons devienne réalité ! Village Au cœur de la création » Avec saint François, embarquez dans l’arche de Noé venez découvrir la beauté mais aussi la fragilité de notre monde, venez échanger, jouer, créer, vous émerveiller ! En famille, vous trouverez plein de bonnes idées pour vivre en harmonie avec la création ! Défi sportif Relèverez le défi parcourir la plus grande distance possible sur la journée. On ne vous en dit pas plus pour l’instant… sauf qu’un fauve voudra vous barrer le passage ! Autres animations A ces villages viennent s’ajouter des concerts sur la scène centrale, avec Marie-Louise Valentin, Hugues Fantino et Georges Goudet, une tente de la prière, sœur Agathe viendra faire chanter les plus petits 3 séquences de chants gestués, des géants déambuleront dans le village et pour les plus grands des conférences-tables rondes. Voir le programme
Audébut des années trente, au Quartier latin, une rencontre inattendue réunit Georges Pompidou et Claude Cahour. Ils se marient quelques années plus tard et forment un couple uni partageant le goût de la littérature, de la musique, du cinéma. Très vite, ils fréquentent les galeries d'art et les artistes contemporains. Dès 1948, les Pompidou - comme on les 1Alors que le moment 68 » semble s’imposer comme un jalon incontournable dans l’histoire du rire et de la dérision, l’analyse des formes et des supports de cet éclat de rire » généralisé reste à faire. Bertrand Lemonnier, en travaillant ici l’hypothèse d’un glissement de l’humour vers la dérision, propose une première approche de cette problématique, des événements de mai jusqu’à nos jours. Nul doute que cette proposition viendra nourrir le débat en cours sur l’articulation d’une histoire politique ou culturelle des années 68. 2Dans une ambitieuse Histoire du rire et de la dérision, Georges Minois ne consacre qu’une petite partie de son livre à l’époque contemporaine [1]. Quel point de vue faut-il en effet adopter esthétique, littéraire, sociologique, anthropologique ? L’approche critique doit-elle être multidisciplinaire et nécessairement éclatée – c’est celle défendue par la revue Humoresques [2] – ou y a-t-il la place pour une démarche historienne ? Et pour quel genre d’histoire ? On l’aura compris, l’espace humoristique est encore en défrichement sinon en déchiffrage, territoire propice aux hypothèses les plus stimulantes mais aussi aux inévitables approximations méthodologiques [3]. Dans l’ouvrage de Georges Minois, le moment 1968 » apparaît étonnamment absent d’une réflexion qui fait la part belle, pour la fin du 20e siècle, aux travaux de Gilles Lipovetski sur la société humoristique [4] ». Georges Minois semble ainsi déplorer la généralisation d’un esprit postmoderne, où les médias imposent un comique de rigueur, un rire soft et cool, où l’ironie est vide de sens, où la dérision tourne à vide, quelles que soient les intentions subversives. On est alors véritablement dans le dérisoire, mais au sens de l’insignifiance. 3Pourtant, en dépit de ce constat un peu désabusé sur une société médiatique », qui nous empêcherait de rire librement et sainement, la définition d’André Breton et des surréalistes, selon laquelle l’humour est une révolte supérieure de l’esprit » nous paraît toujours avoir une réelle dimension historique, notamment lorsque le contexte s’y prête. Et, justement, le contexte de Mai 68 et de l’après-68 en France, à travers une formidable libération de la parole, puis des mœurs, oblige à une réflexion sur la dimension humoristique de cette libération, et plus précisément dans le registre complexe de la dérision [5]. 4Mais ce registre a-t-il une épaisseur chronologique ? Comment borner une histoire de la dérision [6] » autour des événements de 1968 ? Deux photographies, prises à douze années de distance – la première en mai 1968 et la seconde en décembre 1980 – fournissent une première réponse en forme de correspondance dans le temps et dans l’espace. Ces clichés révèlent en effet deux formes d’appropriation sauvage de l’espace public, aux dépens des affiches politiques classiques. Le premier – célèbre et si souvent reproduit – est signé Henri Cartier-Bresson [7]. Il suggère le contraste entre la France conservatrice de 1968 et la jeune France soixan-te-huitarde le slogan libertaire Jouissez sans entraves » recouvre alors des affiches notamment du PCF, ce qui laisse un digne vieux monsieur perplexe… ou rêveur ! Les murs ont alors la parole et la prennent sans retenue, comme un nouveau langage de dérision. Le second est l’affiche d’un meeting de Coluche à la bourse du travail de Lyon [8], alors qu’il défend sa candidature à l’élection présidentielle de 1981. Un candidat de la dérision du politique, humoriste de profession, dont le programme » se rattache sur certains points au slogan de mai affiché sur les murs. 5À partir de ces deux photographies et du lien que l’on peut établir entre elles, il est possible de poser quelques questions d’ordre général, comme autant d’hypothèses de travail. Y a-t-il une forme d’humour et de dérision propre à Mai 68, en tout cas véritablement innovante en la matière ? Les formes d’humour et de dérision qui se développent en France dans les années 1970 et 1980 peuvent-elles se rattacher, de près ou de loin, à un esprit de 68 » une ombre portée » ? ou ne sont-elles finalement que des avatars de la société de masse, en pleine digestion d’une hypothétique culture ou pensée 68 » [9] ? Peut-on distinguer dans l’abondance et la diversité culturelles des années qui suivent 1968 un certain nombre de personnages, de médias, de productions qui sont porteurs d’un humour spécifiquement post-soixante-huitard » ou que Mai 68 a contribué à diffuser ? Coluche est-il notamment le produit dérivé » de cet humour ? Et après lui certains programmes satiriques diffusés dans les médias ?Le moment 68, entre dérision et esprit de sérieux6D’abord, une première mise au point en forme de réponse globale Mai 68 est un mouvement très sérieux » dans son ensemble. Faire la révolution n’est pas un divertissement léger, où l’on s’amuse. Olivier Rolin, un ancien de la Gauche prolétarienne, dans son roman Tigre en papier [10], a rappelé à sa façon que la plupart des groupes gauchistes – maoïstes, dans le cas présent – se prennent terriblement au sérieux, oubliant sans doute l’un des slogans de l’Odéon occupé Prenons la révolution au sérieux, mais ne nous prenons pas au sérieux ». Les rares crises de rire, dans le récit de Rolin, sont autant de transgressions à la ligne générale du groupuscule et sont des actes quasi bourgeois » ! Pourtant, l’auteur admet que tout pourrait bien, à certains moments, se terminer dans un grand éclat de rire, à condition de trouver ridicules les sentences du Grand Timonier. Ce sérieux proclamé, assez psychorigide, n’empêche pas la contestation de s’alimenter à certaines sources d’humour et de dérision. Mai 68 reste un immense happening aux aspects libertaires et festifs [11] ; d’un certain point de vue, il constitue une révolution par la dérision. 7Difficile en effet de dénier tout humour à Mai 68, notamment à travers un certain nombre de mots, de slogans [12], de maximes, de tracts, d’affiches, de fresques, de caricatures, de graffitis dirigés contre les pouvoirs et la société bourgeoise et parfois aussi contre certains acteurs du mouvement, tel le PCF. C’est non seulement la grammaire de la contestation 68 [13] », mais aussi son esthétique. L’éphémère publication Action [14] – faite sur le modèle graphique de Black Dwarf en Angleterre [15]– a de toute évidence un côté festif ; certains articles de La Cause du peuple rappellent l’humour décapant des publications anarchisantes de la Belle Époque comme L’Assiette au beurre ou Le Père peinard. Les ateliers des Beaux-Arts rue Bonaparte ont produit dans l’effervescence des œuvres qui renvoient autant au gauchisme ou à l’anarchisme qu’aux aphorismes et aux collages dadaïstes et surréalistes. On trouve aussi à Censier, à Nanterre ou à la Sorbonne de jolies formules certaines apocryphes ou simplement rapportées, dont le célèbre marxiste, tendance Groucho ». De même, l’activisme situationniste ne manque pas d’humour, même s’il est parfois involontaire. Si l’influence politique des situationnistes dits enragés » demeure épisodique – au sein par exemple des comités d’occupation de la Sorbonne, qu’ils ne contrôlent que quelques jours –, l’impact des avant-gardes situationnistes est bien réel dans les milieux artistiques des années 1968. Raoul Vaneigem et Guy Debord encouragent ainsi dans les années 1960 les opérations de détournement de la culture de masse [16], par exemple des comics bandes dessinées, essentiellement d’origine anglo-saxonne et du cinéma. En 1968, des comics par détournement » fleurissent ainsi au beau milieu des tracts politiques les bandes dessinées sont alors une nouvelle conception de la praxis révolutionnaire, une forme prolétarienne de l’expression graphique [qui] réalise le dépassement de l’art bourgeois » [17]. Dans les années 1970, l’artiste situationniste Jean-Jacques Lebel organise des happenings à base de provocations multiples, considérant notamment la pornographie comme un genre humoristique. Le détournement iconoclaste de la culture de masse est l’un de ses thèmes de prédilection artistique, mais il s’agit autant d’un effet 68 » que du prolongement d’un concept de dérision né à la fin des années 1950, à travers le Pop Art ou le Nouveau gauchisme à la contre-culture8Justement, après Mai 68, que reste t-il de ce que l’on peut qualifier provisoirement d’humour contestataire ? N’y a t-il pas un repli vers un certain conformisme ou alors vers des formes de contre-culture souvent méprisées des révolutionnaires orthodoxes, on pense au psychédélisme hippie, à l’écologie baba-cool, à l’anarchisme fêtard, au postsituationnisme ? En fait, rien n’est simple. En effet, c’est l’humour – nous y reviendrons à propos de certains médias – qui permet de faire le lien entre le gauchisme et la contre-culture, notamment psychédélique, telle qu’elle s’est épanouie dans le monde anglo-saxon depuis le milieu des années 1960. 9Cela dit, il est évident que le passage du sérieux au rire n’a pas été chose facile – et même impossible, sûrement – au sein de groupes radicaux, qui vivent plus ou moins bien leur dépression post-68 ». D’autant que rire, cela signifie aussi savoir rire de soi. Bonne nuit les petits ! » titre ironiquement Action en se sabordant lors de l’élection de Georges Pompidou en 1969 [18]. L’autodérision n’est donc pas très fréquente, du moins à l’époque. Un exemple assez révélateur est celui du FHAR Front homosexuel d’action révolutionnaire, qui tient ses réunions régulières de 1971 à 1973 dans l’amphithéâtre des Loges aux Beaux-Arts [19]. Dans ce qui devient très vite un happening permanent, le militantisme d’un Guy Hocquenghem est assez vite dépassé par les folles radicales appelées Gazolines », qui n’ont que faire de la phraséologie gauchisante. La libération de la parole gay prend les formes inattendues de la dérision Prolétaires de tous les pays, caressez-vous », Nationalisons les usines à paillettes », CRS, desserrez les fesses ! Gauchistes vous aussi », tandis que les Beaux-Arts deviennent un lieu de drague privilégié pour les homosexuels parisiens. De même, lors de l’enterrement du militant maoïste Pierre Overney en 1972, les Gazolines voilées de noir scandent Liz Taylor, Overney, même combat », au grand dam des activistes de la Gauche prolétarienne. 10Ce type de happening prolonge en acte la libération de la parole initiée en Mai 68, mais il trouve assez peu d’écho au-delà d’une certaine communauté initiée, tandis qu’il apparaît dans sa dérision comme bourgeois » par les militants les plus radicaux. L’expérience de fête révolutionnaire » menée par les spontanéistes ou anarcho-maoïstes, plus connus sous le sigle VLR Vive la Révolution ou Mao-Spontex, demeure ainsi sans véritable lendemain. Dans l’éphémère publication Tout ce que nous voulons [20], Roland Castro défend avec Stéphane Courtois et Guy Hocquenghem une révolution festive et libertaire, jusqu’à ce que le psychanalyste Lacan le détourne en 1972 de cette ligne intellectuelle jugée sans issue [21]. Quant à la revue L’Idiot international, elle est moins l’expression d’un courant de dérision que le projet un peu mégalomane de son fondateur, Jean-Edern Hallier, celui de fonder autour de sa personne un grand journal gauchiste. 11De toutes les façons, il reste difficile aux mouvements contestataires – qu’ils soient situationnistes, gauchistes, féministes, écologistes – de s’exprimer ouvertement dans les grands médias, surtout audiovisuels. À la radio et la télévision, en dépit de quelques espaces de liberté à la radio le Pop Club » de José Artur et surtout Campus » de Michel Lancelot sur Europe n° 1, un conformisme assez pesant caractérise l’après-Mai 68, et cela jusqu’en 1974-1975, à quelques exceptions près. Quant aux radios dites libres » en fait illégales, appelées aussi radio-pirates, elles sont quantité négligeable sur le sol français jusqu’à la libéralisation des années 1980, ainsi Radio Campus à Lille en 1969 ou Radio verte à Paris en vecteurs d’un nouvel humour contestataire12Alors, comment peut s’exprimer un humour contestataire post-68, toujours suspecté de porter en lui des germes de révolte ou du moins d’anarchie, même si tous les médias ne relèvent pas du monopole public ? Y a-t-il de la censure ou de l’autocensure ? En réalité, l’époque est plutôt propice à la liberté d’expression, en dépit d’un certain nombre d’interdictions ponctuelles et du sentiment quelque peu paranoïaque des gauchistes. Cette liberté se manifeste notamment dans trois domaines d’expression d’abord le cinéma, ensuite le café-théâtre et le music-hall, enfin la presse, à laquelle on peut associer la bande dessinée. 13Existe-t-il d’abord un véritable cinéma post-68 » [22] ? Un certain nombre de films tournés après 68 relèvent du cinéma expérimental ou restent dans la tradition de la Nouvelle Vague comme Tout va bien de Jean-Luc Godard 1972, La Maman et la putain de Jean Eustache 1973, La Salamandre d’Alain Tanner 1971, du documentaire militant tel Camarades de Marin Karmitz 1969, de la chronique sociale comme On n’arrête pas le printemps de René Gilson en 1971, sur les lycées de l’après-68 ou l’intimiste Erica minor de Bertrand Van Effenterre 1974, de la fable utopique Valparaiso, Valparaiso de Pascal Aubier, 1969 et de la farce anarchiste La Grande Lessive de Jean-Pierre Mocky, 1969. Le film très remarqué de Barbet Schroeder More 1969, avec la musique entêtante de Pink Floyd, est plus un film de dénonciation des illusions hippies et psychédéliques que de dérision humoristique des années Woodstock. Plus proche de certains thèmes soixante-huitards apparaît Les Valseuses de Bertrand Blier 1974, qui raconte la cavale de deux marginaux anticonformistes sur fond de libération des mœurs. Le film fait scandale. Son interdiction aux moins de 18 ans en dit long sur les blocages d’une société qui prend comme un coup de poing cette aventure amorale, mais d’un réalisme cru. 14Quelques ovnis cinématographiques relèvent d’un humour plus particulier, comme La Dialectique peut-elle casser des briques de Gérard Cohen et René Viénet 1973 et L’An 01 de Jacques Doillon 1972, avec la participation de Jean Rouch et Alain Resnais. La Dialectique est un détournement situationniste [23] des films de kung-fu taiwanais, à la recette très simple. Il s’agit de sous-titrer et dialoguer des films en modifiant radicalement leur sens initial, ce qui leur donne un contenu subversif – révolutionnaire ? – très inattendu et plutôt comique. Le détournement a, par cette méthode, une triple fonction destruction-dévalorisation radicale de l’art, propagande révolutionnaire, et réalisation du jeu et de l’esthétique ludique dans le déconditionnement de l’humour [24]. » Quant à L’An 01 [25], il est co-écrit par le dessinateur de bande dessinée Gébé, qui a d’abord publié les planches de L’An 01 dans le journal gauchiste Politique Hebdo. L’An 01 apparaît comme une fable post-soixante-huitarde traitée comme un faux reportage – en noir et blanc – qui montre les premiers mois d’une révolution culturelle et sociale, où l’on remettrait en cause dans la bonne humeur le travail, le couple, l’école, l’armée, la propriété privée. Le scénario du film est d’ailleurs plus ou moins déconstruit sur des slogans de 68, teintés d’écologie et de situationnisme ludique [26] Et si un jour on arrêtait tout ? Plus de travail, plus d’horaires, plus de voitures, plus de télévision. On prendrait le temps de flâner, de discuter, de chanter, de faire l’amour, de cueillir une fleur […]. Le temps de vivre tout simplement. Ce serait l’an 01 d’une ère nouvelle. » Le casting du film est hétéroclite on y rencontre pêle-mêle des dessinateurs de BD Cabu, Gotlib, l’équipe de Hara-Kiri, des chanteurs politiquement engagés tels Jacques Higelin – à l’époque du film retiré dans une communauté hippie – ou François Béranger, ainsi que des comédiens débutants promis à un bel avenir Coluche, Romain Bouteille, Gérard Depardieu, Miou-Miou, Christian Clavier…. 15La présence de Romain Bouteille apporte à ce film un peu de la loufoquerie du café-théâtre, un genre qui connaît un grand succès public après Mai 68. C’est en effet en juin 1969 que Bouteille ouvre Le café de la gare, d’abord à Montparnasse puis rue du Temple. Ce spectacle innove par rapport au café-concert ou au traditionnel music-hall, en ce sens qu’il fonctionne en véritable communauté artistique. Appelée ainsi pour des raisons fiscales mais aussi parce que les acteurs servent au public une boisson – lequel public paie ou ne paie pas sa place après tirage au sort –, cette communauté relève d’un mélange entre l’esprit potache et l’anarchisme soixante-huitard. La devise du Café de la gare joue sur l’autodérision C’est moche, c’est sale, c’est dans le vent. » Sa troupe forme une bande de copains » formée au hasard des événements de mai sans y avoir toujours participé activement [27] ; elle joue des spectacles mi-écrits mi-improvisés, suites de sketches loufoques comme Des boulons dans mon yaourt collectif, 1970, Le Jaune devant le marron derrière collectif, 1973, Les Semelles de la nuit Romain Bouteille, 1974, Le Graphique de Boscop Sotha, 1975-1976. 16Le Graphique de Boscop est une pièce puis un film-culte, sorti en 1976, assez représentative d’un café-théâtre, certes burlesque, mais aussi politiquement incorrect, s’affranchissant volontiers des normes artistiques. L’argument de Boscop est d’une loufoquerie à la Pierre Dac, mais il rappelle aussi dans un genre différent les désopilants Shadoks [28] de la télévision c’est l’histoire de la famille Dindon, une famille de prolétaires un peu ahuris dont le père est éboueur et inventeur d’une machine qui a de commun avec Potemkine qu’elle est la voix du peuple », en fait une machine-à-faire-des-chansons-à-succès, et dont le fils est un débile social qui se révèle un génie des mathématiques. Le succès de ces spectacles est tel que le café-théâtre devient presque une institution dans la deuxième moitié des années 1970 en 1974 se produit la troupe du Splendid, qui crée en 1977 avec une bande de joyeux drilles plutôt issus des beaux quartiers, Amours, coquillages et crustacés, adapté en 1978 au cinéma sous le titre Les Bronzés. 17Autre succès du café-théâtre, celui des humoristes Patrick Font et Philippe Val [29], qui se produisent au début des années 1970 au Théâtre de Dix Heures et inventent une sorte de cabaret gauchiste », mêlant réflexions politiques, critiques de la société du spectacle et humour graveleux. Le duo, qui séduit un public de lycéens et d’étudiants bien au-delà du militantisme gauchiste, fonde une troupe installée au Vrai Chic parisien Sainte-Jeanne du Larzac en 1974. Les deux compères, en dépit de leurs provocations, n’en sont pas moins remarqués par certains médias l’imitateur Thierry Le Luron, plutôt classé à droite, invite Patrick Font dans son émission télévisée dominicale de grande audience de janvier à juin 1973 et José Artur sur France Inter programme quelques sketches ou chansons. 18D’une façon générale, la chanson française engagée » de l’après-68 [30] n’est pas tout à fait à l’unisson du café-théâtre. Elle n’est pas spécialement humoristique, mais plutôt poétique et parfois lyrique Paris mai de Claude Nougaro, Au printemps de quoi rêvais-tu ? de Jean Ferrat, Comme une fille de Léo Ferré, Le Temps de vivre de Georges Moustaki. Elle participe aussi du renouveau d’un folk song contestataire, inspiré des modèles anglo-saxons et qui séduit plusieurs générations. Ancien ouvrier de Renault, François Béranger connaît un certain succès avec ses Tranches de vie 1969, qui résument sur une musique country l’itinéraire d’un prolétaire né en 1937, de la guerre d’Algérie à Mai 68. Né en 1949 dans un milieu plus intellectuel, Maxime le Forestier est renvoyé du lycée Condorcet avant les événements de mai et se lance dès 17 ans dans le cabaret rive gauche ». Au début des années 1970, il apparaît comme le porte-parole de la génération lycéenne post-68, romantique et baba cool », déjà écologiste, toujours révoltée mais aussi un peu désabusée. Le troubadour barbu critique l’armée dans Parachutiste, dans un genre antimilitariste assez classique qui lui vaut une interdiction à la radio ; dans la chanson Comme un arbre, il fait sienne la génération née dans les grands ensembles et le béton. Enfin c’est Renaud, né en 1952 mais déjà actif sur les barricades de mai [31], qui apparaît au milieu des années 1970 comme un Gavroche folk, quelque part entre Béranger, Bruant et Bob Dylan. Dans Camarade bourgeois, il tourne en dérision les fils à papa », dans Jojo le démago, le président des gogos… qu’a trahi les prolos », dans Amoureux de Paname les écologistes du sam’di soir ». Hexagone 1975 dénonce à la fois le populisme ambiant et la société de consommation, non sans revisiter l’histoire de France la Révolution de 1789, Vichy, Charonne, Mai 68…. Le Roi des cons, sur son trône, il est Français ça j’en suis sûr », chante Renaud dans une veine libertaire qui va en partie assurer son succès. 19Renaud devient le porte-parole d’un puissant courant anti-autoritaire, qui traverse les années 1970. On retrouve largement ce courant dans la presse de la contre-culture, associé à des thèmes plus spécifiques l’écologie, le pacifisme, la sexualité, la drogue. L’humour et la dérision constituent de ce point de vue des armes redoutables. Ainsi, la presse gauchiste la plus radicale n’a jamais dédaigné la caricature, à travers les dessins de Willem dans L’Enragé, de Gébé dans Politique Hebdo, sans compter tous ceux publiés dans Action, Tout ou L’Idiot. Mais y a-t-il eu en France une presse qui aurait plus cultivé la satire et la dérision que l’engagement politique d’extrême gauche ? Il faudrait en fait distinguer plusieurs types de publications de la contre-culture. Beaucoup sont éphémères et se résument à des tracts, des numéros ronéotypés, notamment lycéens ; quelques-unes tentent de poursuivre l’expérience d’un journalisme de combat, jusqu’à la création du quotidien Libération en 1973 [32] ; un certain nombre défend des causes quasi communautaristes féministes, homosexuelles, régionalistes, écologistes ainsi La Gueule ouverte [33] ou régénèrent une tradition satirique plus ancienne comme Hara-Kiri et Charlie Hebdo ; enfin dans un genre nettement plus anglo-saxon, le magazine Actuel imite l’underground free press née au milieu des années 1960, avec comme modèles OZ ou International Times en Angleterre, Rolling Stone aux États-Unis [34]. 20Hara-Kiri, le journal bête et méchant » est né bien avant 1968 [35] c’est en septembre 1960 que François Cavanna et Georges Bernier le professeur Choron » lancent ce mensuel satirique. On y trouve déjà des dessins de Cabu, Reiser, Wolinski, Topor et Hara-Kiri devient célèbre en raison de ses démêlés avec la justice. Il y développe un humour à la fois anarchiste, subversif et amoral, à base de scatologie et de situations salaces, de blagues de mauvais goût, de détournements provocateurs de la culture de masse la publicité, le roman-photo. Hara-Kiri est sans doute le journal qui érige le mauvais goût et la provocation antibourgeoise à un degré extrême sinon extrémiste pour l’époque. Pour ses lecteurs d’avant-68, qui s’expriment aujourd’hui sur les forums Internet, il apparaît que Mai 68 n’aurait pu avoir lieu sans Hara-Kiri ou du moins que le journal bête et méchant entre pour une grande part dans le souffle libertaire – et libertin ? – qui anime Mai 68 et les années qui suivent. Alors s’agit-il une fois de plus d’une reconstruction un peu nostalgique, comparable à celle qui a touché le rock ainsi Serge July déclarant vingt ans après Mai 68 qu’il n’y aurait pas eu de Mai 68 sans le rock [36]. C’est possible, mais le groupe de presse Hara-Kiri les Éditions du Square, profite incontestablement de l’effet 68. Le 3 février 1969 Cavanna lance Hara-Kiri Hebdo qui devient L’Hebdo Hara-Kiri en mai 1969, avec une étroite collaboration de dessinateurs satiriques, le Hollandais Willem un ancien provo, Wolinski, Cabu, Reiser, Gébé. Cavanna croit nécessaire de publier une charte de Hara-Kiri Hebdo et rappelle les principes qui fondent la ligne éditoriale de ce journal il faut être fidèle à la laïcité, à la défense de l’écologie, aux idéaux des Lumières, aux droits de l’homme, à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et à la dénonciation de la cruauté contre les animaux. Ce n’est pas tout à fait un programme révolutionnaire ou même libertaire, mais plutôt un programme républicain tout n’est donc pas permis dans le registre de la dérision ! Pourtant, la première interdiction tombe en novembre 1969 pour pornographie et en novembre 1970, à la mort du général de Gaulle, L’Hebdo titre Bal tragique à Colombey 1 mort [37] ». Le journal est à nouveau interdit par les services du ministre de l’Intérieur, Raymond Marcellin – lequel fait aussi annuler des festivals pop, puis interdire des organisations gauchistes, ce qui en fait la bête noire de la presse alternative [38]. Nullement découragé, Cavanna lance Charlie Hebdo, plus politisé avec Delfeil de Ton comme chroniqueur et qui dure dans sa formule d’origine de 1970 à janvier 1982, tandis que Hara-Kiri reparaît ensuite dans une formule mensuelle, proche de celle d’avant 1969. 21L’une des conséquences du succès de ces publications – et tout particulièrement de Charlie Hebdo – est l’évolution du genre de la bande dessinée, jusque-là bien cadré par la loi de 1949 et sagement représenté en France par Pilote, dirigé par René Goscinny, l’un des pères d’Astérix. C’est dans ce journal destiné aux enfants et adolescents que la plupart des auteurs de BD ont fait leurs classes, comme Cabu ou Reiser, et l’historien de l’humour ne peut ignorer l’influence d’un esprit Pilote » sur la jeune génération des années 1960. Pilote ne s’émancipe véritablement qu’à partir de 1968, sans pour autant se mettre hors la loi – le père fondateur veille au grain, jusqu’à sa mort en 1977. Ainsi Marcel Gotlib crée-t-il entre 1968 et 1972 la Rubrique à Brac, savoureux mélange de parodie, de dérision et d’absurde, bien dans l’esprit du temps, qui succède aux sages Dingodossiers, scénarisés par Goscinny. Mai 68 est passé par là et Pilote change incontestablement de ton les jeunes lecteurs de l’époque s’en aperçoivent ! Toutefois, ses collaborateurs se sentent encore bridés Gotlib fonde en 1972 L’Écho des savanes avec Mandryka et Claire Brétecher trimestriel puis mensuel puis en 1975 le trimestriel Fluide glacial, sorte de version pour adultes de Pilote avec la mention réservé aux adultes » et véritable pépinière de talents Binet, par exemple. 22Actuel est d’une nature un peu différente. Ce journal est fondé en 1970 par Jean-François Bizot [39], Michel-Antoine Burnier et Bernard Kouchner sur une plateforme dite underground, en référence à la contre-culture d’origine anglo-saxonne. Le journal connaît son apogée entre 1971 et 1973, en reprenant un slogan censé fédérer les hippies et les gauchistes Sexe, rock ’n’ roll, drogue, fête et révolution ». Aux États-Unis, cette hybridation a produit les yippies de Jerry Rubin, un mouvement très radical mais ouvert à toutes les influences de la rock culture [40]. Il s’agit aussi, d’une certaine façon, de passer de Lénine à Lennon [41] ». Une des couvertures d’Actuel donne le menu sociologique de la révolution pour le plaisir » et réunit dans un même élan le hippie-baba-cool, l’étudiant-gauchiste et le prolétaire-ouvrier [42]. Les thèmes privilégiés du journal sont le rock, le féminisme tendance MLF, la drogue, l’homosexualité, la libération sexuelle, le voyage à Katmandou, souvent traités avec une dose d’humour et accompagnés de dessins, notamment ceux de l’Américain Robert Crumb. Jean-François Bizot considère qu’Actuel se situe dans la continuité non politique du délire de Mai 68 [43] ». La première formule du magazine ne résiste en fait qu’un an au giscardisme et à la société libérale avancée. Selon Bizot, le déferlement de l’érotisme au milieu des années 1970 et la banalisation des thèmes de la contre-culture ont rendu le journal sans objet, d’autant que la crise économique a fait disparaître ce qui restait d’insouciance et de légèreté dans les utopies cas Coluche23À ce stade de notre étude, alors que la crise économique commence à s’inscrire dans le paysage politique et social, le retour à Coluche s’impose. On retrouve d’abord le chansonnier au cœur de quelques expériences libertaires post-68, Le café de la gare, L’An 01 et l’équipe de Hara-Kiri/Charlie Hebdo. Pourtant, Michel Colucci, ce fils d’un immigré italien, né en 1944, sans autre diplôme qu’un certificat d’études, est paradoxalement passé à côté de Mai 68, en spectateur amusé. Il raconte avec un évident sens de la dérision son expérience – il se produisait alors dans les cabarets de la Montagne Sainte-Geneviève – des réunions d’artistes J’ai pris un pied terrible aux réunions de comédiens à la Sorbonne. J’ai vu des mecs qui sont devenus révolutionnaires en trente secondes. Y’avait des spectacles gratuits, pour le peuple, et la caractéristique de ces spectacles, c’était le nombre de ringards, des mecs qui avant la révolution ne chantaient nulle part, on pouvait plus les sortir de scène. Ils y tenaient des heures et des heures. Y chantaient tous, les mecs [44]. » D’après ses biographes [45], une anecdote est significative. Interpellé sans ses papiers d’identité, le 12 juin 1968 à 19 h 30 boulevard Beaumarchais, où a lieu une manifestation, il déclare le procès-verbal a été exhumé ! J’allais chez Paul Beuscher pour chercher des cordes pour ma guitare. Je ne manifeste pas. » 24Quoi qu’il en soit, après son succès au café-théâtre, Coluche devient au milieu des années 1970 une grande vedette de la culture de masse [46], à la fois clown et chansonnier, auteur de sketches qui le propulsent en tête d’affiche à l’Olympia, animateur de radio très populaire et provocateur sur Europe n° 1 et RMC, comédien de cinéma, tout en poursuivant sa collaboration avec la contre-culture anarchisante il pose pour de nombreuses couvertures salaces de Hara-Kiri, collabore à Charlie Hebdo. Il semble surtout que Coluche a été capable de marier de multiples traditions populaires, celles du cirque, du music-hall, du cabaret, avec un sens aigu du social, avec ses sketches sur le racisme, sur les Français moyens, sur le sport, les médias. Son goût pour la provocation et la vulgarité, loin de n’amuser qu’une élite complice, plaît au plus grand nombre, ce qui lui ouvre la porte de tous les médias, sans exception, y compris la télévision publique. Il s’agit aussi pour Coluche de faire reculer les frontières de l’humour et de la dérision, dans une attitude de transgression des barrières respectables de l’humour. Tout est possible on peut rire de tout et sans tabous, y compris bien entendu de la démocratie représentative. 25En projetant de se présenter aux élections présidentielles de 1981, l’humoriste, dans un acte aussi pataphysique que situationniste, se situe certainement dans la vieille perspective du bouffon du roi, mais il apparaît aussi comme le représentant – peut-être le dernier du genre – d’un certain esprit de Mai ». Ce n’est pas un hasard si l’idée de la présidentielle vient de son ami Romain Goupil, comédien et cinéaste, qui lui écrit une partie de ses textes pour la radio. Or, Goupil est un ex-militant d’extrême gauche, l’un des fondateurs des Comités Vietnam lycéens dans les années 1967-1968, à la tête des Comités d’action lycéenne en 1968, membre de la JCR d’Alain Krivine et le réalisateur de Mourir à 30 ans 1982, film où il revient sur le suicide de son compagnon de lutte Michel Recanati. 26Le programme électoral bleu blanc merde » de Coluche [47] est un manifeste-canular à mi-chemin entre l’anarchisme bon enfant, le gag potache et l’inventaire à la Prévert version Charlie. Il n’est pas sans rappeler à travers ses slogans – il est le seul candidat qui n’a pas besoin de mentir » – Alphonse Allais et son Captain Cap 1902, satire caustique et fantaisiste du monde politique. Certes, cette candidature déplaît dans l’ensemble au gauchisme pur et dur, mais elle a tout de même le ferme soutien des journaux de la contre-culture, tels Hara-Kiri et Charlie Hebdo, qui publient le manifeste électoral du candidat. Elle peut aussi compter sur Libération, le quotidien s’étant en 1978 éloigné du gauchisme pour devenir un quotidien politique et culturel généraliste dans le vent ». Le Nouvel Observateur, encore mal remis de l’éviction de Michel Rocard à la candidature présidentielle lui consacre sa une, mais fait vite machine arrière. À cette presse de gauche se joint une partie de la jeunesse lycéenne et étudiante, d’un certain nombre d’artistes du showbiz et de la chanson. Dans le Comité de soutien à la candidature de Coluche [48], on est assez peu étonné d’y trouver Serge July, Jean-Luc Godard, Romain Bouteille ou Daniel Cohn-Bendit mais un peu plus surpris de voir qu’un certain nombre d’intellectuels tels Pierre Bourdieu, Gilles Deleuze ou Félix Guattari soutiennent cette candidature atypique. Le soutien d’un Bourdieu [49] s’explique par le fait que le sociologue déclare ne pas aimer les partis politiques », mais aussi parce qu’il croit très sérieusement aux vertus citoyennes de la société civile », dont Coluche est alors pour lui le meilleur représentant. À tel point d’ailleurs qu’avec 12 % et même 16 % dans certains sondages d’intentions de vote, Coluche se prend au jeu et donc au sérieux ; il fait peur aux politiques et suscite contre lui une campagne de presse soigneusement orchestrée. Lorsqu’il se retire de la course en avril 1981, Pierre Bourdieu lui-même stigmatise les professionnels de la politique qui ont refusé à ce casseur de jeu le droit d’entrée, que les profanes lui accordaient massivement ». Face au danger potentiel que représente cette candidature atypique, le pouvoir – à gauche comme à droite, car Coluche a inquiété tous les appareils – reprend la main, un peu comme il a pu le faire en Mai 68, c’est-à-dire sans ménagement, en mettant en avant la défense des valeurs démocratiques et celle des institutions – et surtout la sacro-sainte fonction présidentielle. C’est aussi l’analyse d’Arnaud Mercier, pour lequel le cas Coluche illustre parfaitement ce qui peut advenir lorsqu’un bouffon outrepasse les limites à l’intérieur desquelles il a traditionnellement le droit de tout dire et de tout faire [50] ». En fait, Coluche est à son tour la victime du processus de dérision qu’il avait cru pouvoir contrôler se sentant rabaissés et humiliés, les gens sérieux » fourbissent les mêmes armes ironie, mépris, coups bas pour disqualifier l’ l’éclat de rire au grand cauchemar » ?27L’échec du candidat Coluche marque t-il alors la fin d’une certaine forme de dérision post-68, celle d’une contre-culture protéiforme, dont l’humour masquerait la vacuité intellectuelle et artistique [51] ? Il est devenu assez courant depuis le début des années 1980 de tourner en dérision la pensée 68 » et de la rendre responsable de la confusion des valeurs, du nivellement par le bas et de la dictature du tout culturel » [52]. D’une certaine façon, les années 1980 apparaissent comme une concrétisation de certains idéaux de Mai, alors que les soixante-huitards sont passés allègrement du col Mao au Rotary [53] » et se retrouvent dans les allées du pouvoir l’écologie politique fait une percée notable, les valeurs hédonistes n’ont jamais été aussi partagées et revendiquées, les étudiants nés en 1968 occupent de nouveau les rues en 1986, contre le projet de loi Devaquet, tandis que la libéralisation des ondes provoque une véritable flambée libertaire. Ainsi la radio libre » Carbone 14 à Paris fait-elle de la dérision un succès d’audience [54] elle adopte entre 1981 et 1983 un ton décalé, mélange d’esprit Hara-Kiri, d’humour à la Coluche et de café-théâtre déjanté. Les animateurs comme les auditeurs de cette station éphémère ne sont plus des soixante-huitards », mais des jeunes nés à la fin des années 1950, qui ont baigné dans l’atmosphère particulière des années 1970 ils ont été baba-cool » puis punk ». À la fin des années 1980, c’est cette même génération post-68 qui fait le succès des émissions parodiques sur Canal +, d’abord Les nuls » 1987-1988, puis Les guignols de l’info » à partir de 1988. La satire de la télévision comme de la politique – et plus largement de la société du spectacle » n’est certes pas nouvelle, mais elle est porteuse d’une forme de dérision postmoderne », qui ne se fixe plus de limites. Il devient interdit d’interdire » dans certains médias audiovisuels, qui ont compris tout le bénéfice qu’ils pouvaient tirer de ces formes de provocation. C’est le triomphe d’un rire qui contribuerait selon le sociologue Paul Yonnet à l’installation d’un nouvel ordre moral médiatique [55] », qui domine tout particulièrement les shows télévisés. Selon Paul Yonnet ce comique consiste à être cynique, amoral, grossier, ordurier, anticlérical, de s’avouer cruel, alcoolique, obsédé sexuel, de détester la religion, de défendre le droit de tricher […] de se moquer des Juifs comme des paysans normands… » Ce que dénonce – ou constate simplement – le sociologue, c’est le moment où les téléspectateurs complices des shows médiatiques ne savent plus prendre la distance indispensable que requiert la caricature ou l’humour et considèrent le dédain et le mépris comme les formes normales des relations humaines et sociales. Les hommes politiques eux-mêmes s’en rendent complices, participant aux émissions les plus racoleuses, lançant des bons mots » ou des calembours de plus en plus douteux. Quant aux anciens papes de la contre-culture, ils cultivent la nostalgie distante des valeurs libertaires, qu’il convient surtout de ne plus prendre au sérieux [56]. C’est le conformisme de l’irrévérence, la banalisation du rire, aussi provocateur soit-il, et d’une certaine façon aussi l’entrée en dérision » d’une société en plein vide critique ». Rendre Mai 68 seul responsable de ces dérives apparaît tout aussi excessif que de lui imputer la perte de l’autorité des familles, de l’École ou de l’État. La société des années 1980-1990 est devenue de fait plus éclatée, plus individualiste, attachée au bien-être et au paraître, faisant de la dérision une valeur quasi consensuelle et donc sans aucune force véritablement subversive. Les engagements collectifs aussi ont changé de nature les grandes causes humanitaires, fortement médiatisées, ont remplacé les idéologies. Sur fond de crise économique et de montée de la pauvreté, Coluche crée Les restos du cœur » en 1985, comme réponse au mal être social. L’événement n’est plus du domaine de la contre-culture il est médiatisé par TF1 aux heures de grande écoute, réunissant en direct une pléiade de chanteurs de variété, de sportifs, de comédiens, d’animateurs de radio et de télévision, d’hommes politiques [57]. C’est, pour reprendre l’expression de François Cusset, le grand cauchemar [58] » d’une fin de siècle qui semble avoir enterré les rêves de 1968, sans en assumer pleinement l’héritage [59]. Notes [1] Georges Minois, Histoire du rire et de la dérision, Paris, Fayard, 2000, p. 510-579. Il s’agit de l’une des seules synthèses historiques sur le sujet. [2] Revue semestrielle publiée par l’Association pour le développement des recherches sur le comique, le rire et l’humour CORHUM et le Centre de recherche interdisciplinaire sur l’humour CRIH – Paris-VIII. [3] L’historien du culturel très contemporain travaille sur un terrain saturé de sources témoignages, analyses socio-historiques, philosophiques, journalistiques, productions médiatiques de toute nature. Il est aussi prisonnier des mémoires générationnelles », y compris parfois de la sienne. Les outils méthodologiques se consolident depuis une vingtaine d’années mais les pièges demeurent nombreux. [4] Gilles Lipovetsky, L’Ère du vide, essais sur l’individualisme contemporain, Paris, Gallimard, 1983 ; Gilles Lipovetsky a prolongé sa réflexion dans Le Bonheur paradoxal, Paris, Gallimard, 2006. [5] La dérision est une attitude plus nettement méprisante que l’humour. Il existe en effet dans la dérision une dimension critique qui n’est plus tout à fait celle du détachement humoristique, dans la mesure où l’on cherche à rendre un fait ou un personnage insignifiant. Elle tend à devenir, selon Arnaud Mercier un redoutable instrument de jugement social, de défoulement et d’agression […] mais aussi parfois d’innovation, car en contestant on s’affirme et on s’oppose à des codes existants pour en proposer d’autres » Arnaud Mercier, Pouvoirs de la dérision, dérision des pouvoirs », Hermès, dossier Dérision-Contestation », 29, 2001. Lorsqu’elle se fait catharsis, elle peut se révéler une salutaire purgation, au sens aristotélicien du terme. Selon Christian Savès, elle est une des catégories fondamentales de l’expérience humaine » et une dimension essentielle de la conscience historique » Christian Savès, Éloge de la dérision, une dimension de la conscience humaine, Paris, L’Harmattan, 2007. Pour certains médecins et psychologues, elle est aussi une expression psychotique, au sens où son emploi permet d’annuler la portée de ce qui est exprimé ou montré et de neutraliser l’autre » par le mépris ou l’humiliation. [6] Notons que pour d’autres périodes historiques par exemple le Moyen Âge, la dérision devient un sujet majeur de recherche, lire notamment Élisabeth Crouzet-Pavan et Jacques Verger dir., La Dérision au Moyen Âge de la pratique sociale au rituel politique, Paris, Publication de la Sorbonne, 2007. Les auteurs montrent que la dérision est une arme redoutable d’humiliation et de disqualification, très codifiée à l’époque médiévale. [7] Henri Cartier-Bresson, Rue de Vaugirard, Paris, mai 1968. [8] Votez Coluche », bourse du travail de Lyon, du 18 au 23 décembre 1980, 21 heures. [9] Pour reprendre l’expression de l’ouvrage polémique de Luc Ferry et d’Alain Renaut, La Pensée 68, essai sur l’anti-humanisme contemporain, Paris, Gallimard, Folio », 1988. [10] Un roman très autobiographique publié au Seuil en 2002. [11] On pense aux grandes fêtes antiques ou médiévales comme les Saturnales romaines, les fêtes des fous, de l’âne, aux carnavals. Lire aussi Élisabeth Crouzet-Pavan et Jacques Verger dir., op. cit. Toutefois, il faut se garder de réduire Mai 68 à une grande fête estudiantine, au risque d’un contresens total sur la nature politique et sociale du mouvement. [12] Ronald Landheer, L’humour contestataire les slogans de 1968 », Humoresques, 19, janvier 2004. [13] Bernard Brillant, Les Clercs de 68, Paris, PUF, 2003. [4] Action est une publication née le 5 mai 68 et qui survit un peu plus d’un an de manière épisodique. Y participent notamment certains fondateurs d’Actuel mais aussi de Libération. [15] Journal de la Nouvelle Gauche anglaise fondé en mai 1968 par Tariq Ali. Ouvert à la contre-culture pop il considère Mick Jagger comme l’égal de Marx et d’Engels Black Dwarf du 27 octobre 1968. De nombreux intellectuels de gauche y écrivent librement, comme le dramaturge David Mercer, l’historien Eric Hobsbawm. [16] Guy Debord, Mode d’emploi du détournement », Les Lèvres nues, 8, mai 1956. Une autre forme de détournement est celle des mots, initiée par l’Oulipo dans les années 1960 et dont on ne peut sous-estimer la posture de dérision », même si le lien avec Mai 68 n’est pas évident à établir. [17] [18] Allusion à la célèbre émission pour enfants des années 1960. [19] Gulliver, 1, novembre 1972. En décembre 1971 paraît L’Antinorm, revue du FHAR. [20] Jean-Paul Sartre est le directeur de publication de ce bimensuel. [21] Roland Castro n’a toutefois pas abandonné la posture de dérision contre le politiquement correct » si l’on en croit les propositions présidentielles de son Mouvement de l’utopie concrète en 2007 http// www. utopiesconcretes. org/ . [22] Le festival Résistances » de Tarascon-sur-Ariège avait pour thème de son millésime 1998 68 n’est pas fini », avec une programmation cinématographique éclectique. [23] La Dialectique peut-elle casser des briques ? n’est qu’un exemple parmi les nombreux détournements situationnistes de films orientaux, dont le sinologue René Viénet est le spécialiste, ainsi L’Aubergine est farcie, Une soutane n’a pas de braguette, Mao par lui-même, Chinois, encore un effort pour être révolutionnaire, Du sang chez les taoïstes, Dialogue entre un maton CFDT et un gardien de prison affilié au syndicat CGT du personnel pénitentiaire. La Dialectique est en visionnage libre sur http// www. ubu. com/ film/ vienet. html. [24] Thomas Genty, op. cit. [25] Réédition des planches de L’An 01 aux éditions L’Association 2000. Le film est alors un succès public cent vingt-cinq mille spectateurs sur près de vingt semaines d’exploitation dans deux salles du Quartier Latin. [26] L’An 01 n’est pas une œuvre situationniste, mais elle reprend à son compte sans les prendre vraiment au sérieux toute une série de propositions situationnistes sur la libération sociale. [27] On y voit notamment Romain Bouteille, Coluche, Henri Guybet, Sotha, Renaud Séchan, Martin Lamotte, mais aussi le trio des Valseuses, Patrick Dewaere, Miou-Miou et Gérard Depardieu. [28] Les Shadoks », ORTF, 1968-1969. [29] Philippe Val est actuellement le rédacteur en chef de Charlie Hebdo. [30] J. Béreaud, La chanson française depuis Mai 68 », The French Review, 62 2, décembre 1988. [31] On lui doit notamment la chanson Crève Salope, composée dans la Sorbonne occupée, manifeste rageur contre l’autorité des parents et surtout des professeurs et des flics ». [32] F. Samuelson, Il était une fois Libé, Paris, Flammarion, éd. rev. et corr., 2007. [33] La Gueule ouverte offre peut-être un intérêt humoristique limité, mais il traduit bien les débuts de l’écologie politique. Son fondateur, Pierre Fournier, transfuge de Charlie Hebdo, imprime à ce journal qui paraît jusqu’en 1980 un ton décalé et proche de la contre-culture. [34] Voir l’exposition The Sixties, années utopies, 1962-1973, France/Grande-Bretagne », BDIC, 1996. [35] Alexandre Devaux, Hara-Kiri mensuel, le berceau de l’humour bête et méchant », Humoresques, 23, janvier 2006. [36] Ancien maoïste et cofondateur de Libération, Serge July a cherché dans les années 1980 à culturaliser » Mai 68 et à pratiquer, selon les termes de François Cusset, la réduction rétrospective de l’événement social à ses seuls avatars culturels » François Cusset, La Décennie le Grand Cauchemar des années 1980, Paris, Albin Michel, 2006. De fait, lorsque July parle de Mai 68 comme d’une révolution rock » Libération, hors série, mai 1988, L’album de nos 20 ans » , c’est oublier que les gauchistes français n’écoutaient pas beaucoup cette musique ou s’en cachaient. [37] Allusion au fait divers du dancing de Saint-Laurent-du-Pont, début novembre, où 156 jeunes gens trouvent la mort dans un incendie L’Hebdo Hara-Kiri, 94, 16 novembre 1970. [38] Raymond Marcellin, ministre de l’Intérieur de 1968 à 1974, procède notamment en juin 1973 à la dissolution de la Ligue communiste révolutionnaire. Il est souvent caricaturé par la presse d’extrême gauche sous les traits d’un CRS, la matraque à la main. [39] Jean-François Bizot, Free Press la contre-culture vue par la presse underground, Paris, Panama, 2006. Actuel renaît dans les années 1980 sur des bases postmodernes, nettement moins contre-culturelles. [40] Jerry Rubin, Do It, Paris, Seuil, Points », 1971. [41] L’ex-Beatles John Lennon est au début des années 1970 le symbole de la contre-culture anglo-saxonne, militant avec son épouse, l’artiste japonaise Yoko Ono, pour la paix dans le monde, tout en revendiquant ses origines de classe working class heroe. [42] Actuel, juin 1971. Le même numéro consacre aussi un article au nouveau gauchisme » et à VLR. [43] Apostrophes, Farceurs et pasticheurs », A2, 1er avril 1977. L’émission est intéressante à plus d’un titre, les invités Bory, Averty, Bizot revendiquant à des degrés divers le droit à l’humour et à la rigolade » comme droit citoyen. [44] [45] Philippe Boggio, Coluche, l’histoire d’un mec, Paris, Flammarion, 2006. [46] Bertrand Lemonnier, Coluche, roi de l’époque », L’Histoire, 276, mai 2003. [47] Hara-Kiri, 231. [48] Charlie-Hebdo, 5 novembre 1980. [49] Ce soutien a été largement commenté. Pierre Bourdieu s’en est beaucoup expliqué, notamment dans l’émission de France Culture Les chemins de la connaissance » et ses entretiens avec Roger Chartier 1988. [50] Arnaud Mercier, op. cit. [51] Alain Finkielkraut a stigmatisé dans l’émission Esprits libres » les ravages de l’humour coluchien et du on peut rire de tout », mais existe-t-il aujourd’hui en France l’équivalent d’un Coluche ? Esprits libres », France 2, le 2 mars 2007 [52] Luc Ferry et Alain Renaut, op. cit. ; Alain Finkielkraut, La Défaite de la pensée, 1987. Les années 1980 voient en effet l’extension du terme de culture à tous les domaines de la vie quotidienne et de la production de masse. Une paire de bottes vaut Shakespeare », lance Finkielkraut dans un raccourci dérisoire. [53] Guy Hocquenghem, Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary, Paris, Albin Michel, 1986. [54] France Culture, La Fabrique de l’Histoire », janvier 2007 Histoire des radios libres en France ». [55] Paul Yonnet, La planète du Rire, sur la médiatisation du comique », Le Débat, mars-avril 1990. [56] Dans les années 1980-1990, lorsque Jean-François Bizot relance Actuel, il contribue à la nostalgie très fin de siècle des années 1970, désormais distanciées et réhabilitées, y compris sur le plan politique les années Pompidou » et les années Giscard ». [57] TF1, 26 janvier 1986. [58] François Cusset, op. cit. Cet ouvrage offre un panorama éclaté mais saisissant de la décennie 1980 et de la fin des idéologies. [59] Jean-Pierre Le Goff, Mai 68, l’héritage impossible, Paris, La Découverte, 2006. [*] Agrégé de l’université et docteur en histoire, Bertrand Lemonnier est professeur de chaire supérieure au lycée Louis-le-Grand Paris. Il a notamment participé à deux ouvrages sur Mai 68 Philippe Artières et Michelle Zancarini-Fournel dir., 68, une histoire collective La Découverte, 2008, ainsi que Henri Rey et Jacques Capdevielle dir., Dictionnaire de Mai 68, Larousse, 2008. .
  • 4jdqubjs7x.pages.dev/225
  • 4jdqubjs7x.pages.dev/81
  • 4jdqubjs7x.pages.dev/340
  • 4jdqubjs7x.pages.dev/89
  • 4jdqubjs7x.pages.dev/284
  • 4jdqubjs7x.pages.dev/198
  • 4jdqubjs7x.pages.dev/36
  • 4jdqubjs7x.pages.dev/128
  • claude et georges pompidou l amour au coeur du pouvoir